LE CHOC

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En avril 1982, la Grande-Bretagne repart en guerre, celle des Malouines. A Paris, une voiture piégée explose rue Marbeuf et, à quelques pas de là, sur les Champs-Elysées sort un film événement, en tout cas voulu ainsi par ses producteurs – Alain Sarde et Alain Terzian –, la rencontre de deux monstres sacrés du cinéma français : Catherine Deneuve et Alain Delon. Si l’événement est d’importance, ce n’est pas une première puisque, 10 ans plus tôt, les deux stars s’étaient déjà rencontrées – brièvement, mais tout de même – dans Un flic, le dernier film tourné par Jean-Pierre Melville.

Les producteurs font appel à Robin Davis, un jeune homme de 39 ans qui, après avoir été, pendant dix ans, l’assistant de Georges Lautner, avait réalisé Ce cher Victor, un face à face cocasse et cruel entre Bernard Blier et Jacques Dufilho, et la Guerre des Polices, un énorme succès dans lequel s’opposaient Claude Rich et Claude Brasseur qui, pour l’occasion, remporta le César du meilleur acteur.

Voici donc le Choc, dans lequel vous allez retrouver Delon en tueur à gages fatigué et – plus rare – Deneuve en éleveuse de dindons. Complètent la distribution : Philippe Léotard en cultivateur alcoolique, Stéphane Audran en avocate d’affaires et, brièvement, à la banque, dans le rôle de la blonde et revêche hôtesse d’accueil, vous reconnaîtrez la jeune Isabelle Mergault, une vingtaine d’années avant qu’elle ne réalise son premier film, Je vous trouve très beau.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver UN TUEUR POUR CIBLE (1998) (Comme Delon, Chow Yun-Fat est obligé de rempiler, au service d’un important caïd de la mafia chinoise de Los Angeles...) ou encore LE CHOIX DES ARMES (1981) (Des malfrats qui se mettent au vert à la campagne, chez Catherine Deneuve...).

Malgré la rencontre au sommet des deux stars du cinéma français de l’époque, Delon/Deneuve, le film que vous venez de voir acheva sa 14e semaine d’exclusivité parisienne à, à peine, 400.000 spectateurs, ce qui, vu le casting et le budget – environ deux millions et demi de francs, c'est-à-dire presque 400.000 € – fut une sacrée déception !

C’est peut-être pour cela qu’après le Choc et le Battant, un autre polar qu’il réalise lui-même l’année suivante et dont les résultats resteront moyens, Alain Delon semble vouloir, au milieu des années 1980, changer de style. En 1984, avec Volker Schlöndorff, il devient, ainsi, l’élégant et inverti baron de Charlus dans Un amour de Swann d’après Marcel Proust et, la même année, avec Bertrand Blier, il prête son visage défait et hagard au garagiste hébété de Notre histoire, avec Nathalie Baye. A la fin des années 1980, la star reviendra à des rôles plus conformes à l’attente de ses fans, c'est-à-dire ancien flic dans Parole de flic ou flic dans Ne réveillez pas un flic qui dort, deux polars de José Pinheiro, en attendant sa rencontre avec Jean-Luc Godard, en 1990, et le double rôle que celui-ci lui réservait dans Nouvelle vague.

De son côté, Catherine Deneuve, qui venait de tourner Hôtel des Amériques, sa première rencontre avec André Téchiné, quitta Alain Delon pour Philippe Noiret dans l’Africain, la comédie de Philippe de Broca, avant de retrouver David Bowie dans les Prédateurs, le sulfureux film fantastique de Tony Scott.

Le Choc est l’adaptation de la Position du tireur couché, le dixième roman de Jean-Patrick Manchette, auteur français né à Marseille en 1942, qui renouvela le roman policier, abandonnant l’habituelle imagerie des mauvais garçons de Pigalle ou d’ailleurs, des souteneurs et des femmes fatales, au profit d’une critique sévère et parfois violente de la société française des années 1970. Cela s’appelait le « néo-polar », il en était le chef de file. Mais, surtout passionné de cinéma, l’impatient jeune homme devint, à 24 ans, le scénariste de productions simili érotiques et tout à fait oubliées, style la Femme aux abois du regretté Max Pécas, tout en rédigeant plusieurs épisodes de la série télévisée et familiale des années 1960, les Globe-trotters, avec Edward Meeks et Yves Rénier, futur commissaire Moulin. 

Comme Claude Chabrol avec Nada, Gérard Pirès avec l’Agression ou Yves Boisset avec Folle à tuer, Robin Davis fera appel à lui pour le scénario de la Guerre des polices et, avant qu’ils ne se retrouvent pour le Choc (avec Alain Delon), le nom de Jean-Patrick Manchette apparaîtra au générique de Trois hommes à abattre de Jacques Deray (avec Alain Delon) et de Pour la peau d’un flic d’Alain Delon (avec Alain Delon). Jean-Patrick Manchette est mort prématurément en juin 1995, il avait 53 ans.

Je ne trouve pas le film si honteux que cela, surtout quand on compare avec ce qui va malheureusement suivre. C'est une trahison totale du bouquin de Manchette, ce qui doit expliquer la réaction du public à l'époque, et c'est une déclaration d'adoration à Delon, ...