LE DÉMONIAQUE

en VOD

Deuxième long métrage du cinéaste René Gainville, le Démoniaque est l’adaptation cinématographique de Not safe to be free, l’un des romans policier du prolifique britannique James Hadley Chase, paru en France dix ans plus tôt sous le titre A tenir au frais puis rebaptisé le Démoniaque après la sortie du film qui, comme le roman, se déroule en plein festival de Cannes.
Vous y reconnaîtrez Anne Vernon, qui avait été la Caroline de Edouard et Caroline, de Jacques Becker ; la veuve implorant le Général Della Rovere dans le classique de Roberto Rossellini et, bien sûr, Madame Emery, la charmante maman de Catherine Deneuve, dans les Parapluies de Cherbourg, de Jacques Demy, sorti quatre ans plus tôt.
Dans le Démoniaque elle est la femme d’un producteur de cinéma, incarné par Jess Hahn – l’acteur américain le plus demandé du cinéma français des années 1950 et 1960 –, et la belle mère d’un jeune homme... disons, psychologiquement fragile, dont les starlettes de la Croisette devraient se méfier, si vous voyez ce que je veux dire !
Descendu dans le même hôtel que l’assassin et y occupant une chambre voisine, Jean Marais, alors entre deux Fantômas, joue un rôle aussi court que déterminant dans cette histoire... Quelques mois plus tôt, il avait été le partenaire d’Anne Vernon dans Patate, la comédie de Robert Thomas, tirée de la pièce de Marcel Achard – que vous apercevrez dans le film au bras de Sophia Loren –, et le partenaire de Jess Hahn dans le Saint prend l’affût, de Christian-Jaque.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PSYCHOSE (1960) (Autre cas de psychopathe assassin n’ayant pas résolu tous ses problèmes avec sa défunte mère.) ou encore FEMME FATALE (2002) (Le Festival de Cannes – 2001 – sert, ici aussi, de cadre à l’action.).

D’origine hongroise – il est né à Budapest en 1941 – René Gainville avait déjà dirigé Anne Vernon dans l’Homme de Mykonos, son premier long métrage, tourné deux ans plus tôt. Il faut dire que, récemment divorcée d’un jeune avocat totalement inconnu nommé Robert Badinter, la comédienne, au fait de sa gloire, avait épousé le cinéaste débutant, de 17 ans son cadet.
Alors qu’elle n’allait plus tourner que dans un seul film avant de s’éloigner volontairement des studios, pour s’adonner, dans le sud de la France, à sa véritable passion, la peinture, le cinéaste, lui, allait poursuivre sa carrière d’une façon assez chaotique, avec pas mal de productions oubliées, mais aussi le Complot, en 1973, l’un des rares film évoquant la Guerre d’Algérie, avec Michel Bouquet et Jean Rochefort, ainsi que l’Associé, en 1979, avec un timide Michel Serrault s’inventant un pseudo associé pour réussir dans les affaires. Dix-sept ans plus tard, René Gainville en coproduira le remake américain réalisé par Donald Petrie, l’exubérante Whoopi Goldberg reprenant le rôle de Michel Serrault.
Quant au jeune débutant François Gabriel, le fils à papa psychopathe et assassin, sa carrière cinématographique souffrit de sa trop grande passion pour le théâtre et le spectacle vivant. Après avoir joué sur scène les grands classiques, de Tartuffe à Harpagon, sous la direction de Jean-Louis Barrault, Pierre Dux ou Roger Planchon, il créa une compagnie de spectacles vivants, mettant en scène des acteurs amateurs – notaire en retraite, ouvrier, demandeur d'emploi – enrôlés dans des spectacles redonnant vie à une ville ou un quartier. Au cinéma, on ne le verra plus guère qu’en 1975 dans l’oubliable comédie porno-soft finement intitulée, en ces temps de premier choc pétrolier, Couche-moi dans le sable et fais jaillir ton pétrole et, plus sérieusement, en 1998, en maire d’un petit village breton dans le Comptoir, unique long métrage de Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati.
Adapté d’un roman de James Hadley Chase, le scénario du Démoniaque est l’œuvre de l’académicien français Jean-Louis Curtis (1917-1995), auquel Michel Houellebecq, dans la Carte et le Territoire, paru en septembre 2010, rend un hommage appuyé. Romancier aujourd’hui oublié mais très apprécié par Houellebecq, Curtis avait pour les Jeunes hommes – titre de son premier roman – une passion restée, plus ou moins, secrète. C’est ainsi que, comme le raconta Michel Houellebecq lui-même, le jour de leur première rencontre, le futur auteur des Particules élémentaires (à peine 30 ans) ne put dire un mot, trop impressionné de se retrouver face à celui qu’il admirait tant, alors que celui-ci (bientôt 70 ans) resta muet, troublé, lui, par le charme de son jeune admirateur !