LE DERNIER MILLIARDAIRE (VERSION RESTAURÉE)

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La fantaisie est sans doute le registre le plus éclatant de René Clair, qui se manifeste dès sa première réalisation en 1923, Paris qui dort, qui montre toute la capitale plongée en catalepsie, excepté le gardien de nuit de la tour Eiffel et cinq voyageurs en avion. Le cinéma parlant le révèle internationalement grâce à une série de comédies populaires tournées entre 1930 et 1933.

Contrairement à Sous les toits de Paris, Le Million, A nous la liberté et Quatorze Juillet, son dernier film tourné en 1934 avant son départ en Angleterre, Le Dernier Milliardaire, est un échec public et critique. Sa veine satirique, à l’œuvre contre la société industrielle dans A nous la liberté, s’exerce cette fois sur la crise financière de 1929 et la folie du pouvoir. L’action de situe dans une principauté d’opérette, Casinario, gouvernée par le tourisme du jeu. Au bord de la faillite, ses dirigeants organisent un emprunt auprès de ses généreux émigrés.

Il n’en existe qu’un, le vieux Monsieur Banco, l’homme le plus riche du monde. En le mariant à la princesse du royaume, Banco sauvera Casinario de la banqueroute en versant trois cents millions une semaine après l’union. Or la jeune princesse aime un chef d’orchestre. Contrariété plus grande encore, Banco perd la raison et se transforme en un dictateur farfelu et imprévisible, imposant au peuple de Casinario des décrets stupides.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DICTATEUR (De Charles Chapin, 1940. Autre comédie dans une dictature fictive, la Tomanie.) ou encore LA SOUPE AU CANARD (De Leo McCarey, 1933. Autre dictature fictive, en faillite, dans cette comédie avec les Marx Brothers.).

René Clair s’est toujours entouré d’artistes hors-pair. Pour la reconstitution de la principauté kitsch du Dernier Milliardaire, il n’emploie pas son décorateur Lazare Meerson, avec lequel il travaille depuis La Proie du vent de 1926, mais Lucien Aguettand, qui conçoit la parodique ville-casino.

Sa distribution étincelle de noms. La jeune première, qui a débuté deux ans avant dans Les Deux Orphelines, est Renée Saint-Cyr, qui connaît alors sa période la plus faste. Dans le rôle de Monsieur Banco, Max Dearly est plein de trouvailles. Sous-employé au cinéma, il est surtout une star du vaudeville, arpentant depuis le début du XXe siècle les scènes du théâtre des Variétés et du Palais-Royal. Au cinéma, il faut noter, un an avant le René Clair, sa composition du pharmacien Homais dans Madame Bovary de Jean Renoir, ses participations chez Raymond Bernard dans Les Misérables et chez Sacha Guitry dans Ils étaient neuf célibataires.

Autre marque de fabrique de René Clair, l’esprit de troupe de ses seconds rôles, tous pittoresques, depuis Aimos, l’unique mendiant de Casinario, à Christian Argentin, ganache ministérielle. Notons aussi les acteurs fétiches de Clair, comme Raymond Cordy, qui était déjà le chauffeur de taxi du Million, et l’un des protagonistes principaux d’A nous la liberté, et qui devient cette fois le domestique sans cravate. Il retrouvera le cinéaste en 1946 pour Le Silence est d’or et sera de tous ses films jusqu’à sa mort. Dans des participations plus modestes, Edouard Francomme, titi parisien que René Clair dirigea dans presque tous ses films français et que Jacques Tati semblait tout autant adorer, le distribuant en peintre en bâtiment de Mon oncle et en ouvrier du drugstore de Playtime.