LE GRAND BAZAR

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A la fin des années 1960, un groupe de chanteurs et musiciens se baptisent les Charlots et deviennent populaires grâce à leurs chansons parodiques. Les disques, les galas et leurs apparitions sur les deux chaînes noir et blanc de la télévision française leur assurent un succès fabuleux. Le cinéma comique leur tend naturellement les bras dès 1971. Des quinze films tournés jusqu’en 1992, Le Grand Bazar est certainement le meilleur. Un avis partagé par les intéressés eux-mêmes.

Déjà réalisateur des Bidasses en folie et des Fous du stade, Claude Zidi montre encore plus d’ambition et met désormais les gags visuels et les situations burlesques au service d’un scénario plus élaboré, ancré dans la réalité sociale d’une cité de banlieue des Trente Glorieuses : le pointage en usine et le taylorisme, les moyens de transport bondés, la médiocrité des structures des HLM, tout est passé au crible et ridiculisé par la sympathique anarchie des Charlots, dont l’art de vivre s’oppose au travail et se résume par ce terme argotique : la déconnade.

Le sujet majeur du Grand Bazar est la critique de la société de consommation à travers la guerre inégale entre un petit bistrot-épicier, aidé par les Charlots, et la grande surface qui vient de s’installer en face de son magasin. La comédie est ancrée dans son époque, dénonçant la mort du petit commerce de proximité, le marketing publicitaire et le gigantisme agressif des supermarchés, la création de besoins absurdes et l’industrialisation de produit toujours plus médiocres. Dans cette charge qui reste cependant bon enfant, les quatre Charlots sont soutenus par deux acteurs chevronnés du rire : Michel Galabru, l’épicier victime, et Michel Serrault, son concurrent cynique.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver VIENS CHEZ MOI, J'HABITE CHEZ UNE COPINE (Transfuge du Splendid, Michel Blanc signe avec Patrice Leconte (déjà réalisateur des "Bronzés"), une comédie générationnelle sur l'amitié et la débrouille.) ou encore LES TEMPS MODERNES (Parce que Charlot travaille à l'usine mais rêve d'une vie meilleure. 40 ans après, les Charlots, ses homonymes, font de même.).

Sorti en septembre 1973, Le Grand Bazar déplace près de quatre millions de spectateurs et attire même l’indulgence d’une partie de la  critique qui avait pris l’habitude de conspuer les Charlots. Il est comme un point d’orgue burlesque de tout un courant du cinéma de la Cinquième République sur les banlieues, le modernisme, le logement social, le miracle économique et la société de consommation. On pense à des films similaires comme Elle court, elle court la banlieue de Gérard Pirès, et d’autres plus violents dans leur dénonciation comme La Ville-bidon de Jacques Baratier ou encore l’impitoyable Chant du départ de Pascal Aubier.

Mais Claude Zidi et les Charlots n’ont eu qu’un objectif : amuser et divertir. Outre Galabru et Serrault, ils s’entourent d’une troupe efficace de seconds-rôles parmi lesquels nous retrouvons le sergent des Bidasses en folie et l’entraîneur des Fous du stade : Jacques Seiler. Il avait beaucoup tourné dans les films d’action de Bernard Borderie, participa, avec sa compagne Rita Renoir, à plusieurs happenings d’avant-garde et trouva une consécration télévisuelle dans la série Vidocq. Jouant sur scène Dubillard, Pinget ou Queneau, cet excellent comédien resta au cinéma un second-rôle. Comme Zidi, il retrouvera une quatrième et dernière fois les Charlots avec Les Bidasses s’en vont en guerre.

La distribution recèle d’autres surprises, convoquant des spécialistes du rire comme Roger Carel et une jeune génération venue du café-théâtre. Coluche, encore peu connu, a les honneurs du générique de fin mais pas Dominique Lavanant dont l’automobiliste en panne est sans doute sa toute première apparition au cinéma. Autres artisans décisifs à la bonne humeur du film : les cascadeurs de l’équipe de Rémy Julienne, adaptant leur savoir-faire au service de courses farfelues et de gags visuels.

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