LE GRAPHIQUE DE BOSCOP

en VOD

Avant les Bidochon et bien avant les Tuche, il y avait les Dendron. Une famille d’éboueurs dans la France prolétaire qui vient de voter Giscard, affreux sales et méchants et de surcroît fiers de l’être. Ils vivent à Saint-Rupert, en Basse Lozère. Il y a Robert, le père, un érudit assez con tout de même pour martyriser sa femme, leur fille Clémentine, prostituée par candeur et enfin leur fils Pissenlit qui joue les débiles profonds depuis qu’il est tout petit, pour ne pas aller à l’école alors qu’il est pourtant une tronche en maths. 

Ça va, vous suivez ? Sur cette trame malade, qui fut tout d’abord matière une pièce de café-théâtre avant de devenir un film hors normes, Le graphique de Boscop nous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Une période où en France existait un humour verbal, libertaire, débridé et non subventionné, héritier de l’esprit anarcho-comique de Mai 68. 

Le centre des opérations s’appelle Le Café de la Gare, une ancienne usine de ventilateurs dans le quartier de Montparnasse devenue en 1969 un lieu de libre création qui va révéler le talent brut de Romain Bouteille autour de qui vont s’épanouir des talents de demain. Ils ont pour nom Coluche, Miou Miou, Patrick Dewaere et Henri Guybet, mais tous volent déjà de leurs propres ailes quand sort en 1976 Le Graphique de Boscop. Seule Catherine Sigaux alias Sotha, coauteur du film, était encore aux commandes du Café cinquante ans après sa création.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES TUCHE (Ici aussi, il s'agît d'une famille de gens modestes qui aspire (et parvient) à mieux.) ou encore LE PÈRE NOËL EST UNE ORDURE (Comme le film de Jean-Marie Poiré, celui de Georges Dumoulin met en scène des gens de "la France d'en bas" et a été adapté d'une pièce de café-théâtre à succès.).

Avec son générique peint à la main, son décor unique, ses scènes éclairées à la torche et un son d’ambiance pollué de bruits parasites, Le graphique de Boscop est, comment dire, une expérience sensorielle unique. Si vous l’avez redécouvert aujourd’hui, peut-être avez-vous l’impression d’avoir retrouvé la VHS du spectacle de fin d’année que vous aviez monté avec vos copains de la fac de pharmacie. Et s’il s’est agi de votre premier vision vous avez pu apprécier combien la technique a fait des progrès depuis ! 

Pourtant, ce film était encore en 2018 objet d’un culte insolite pour pour certains, puisqu’à Lyon une salle, le CNP Terreaux, a continué de le programmer coûte que coûte toutes les semaines, à minuit entre 1976 et 2010, pour une poignée de fidèles, de curieux, de masochistes, où de gens qui se trompent de salle, on ne sait plus trop. 

Mais la performance de Romain Bouteille reste un must. Avec sa voix passée à la rappe à fromage et son bagout de marchand de cravates, le co-fondateur du Café de la Gare est un spectacle à lui seul. Son inimitable bagout et sa verve des faubourgs vous feront sans doute penser à Coluche. Mais ne vous méprenez pas :  le clown en salopette avait un maître au début de sa carrière et c’était justement Bouteille à propos duquel il reconnaissait : “ce qu’il ne m’a pas appris, je le lui ai piqué”.