LE MARIAGE DE TUYA

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Curieuse histoire que celle que propose Le Mariage de Tuya. Parce que la susnommée est une paysanne de Mongolie intérieure, celle qui fait partie de la Chine, alors que la Mongolie extérieure est quant à elle indépendante, comme le savent ceux qui passent leurs vacances chaque été à Oulan Bator. Une paysanne donc, dont le mari ne peut plus travailler. Pour subvenir aux besoins de la famille, elle ne voit pas d’autre issue que de contracter un second mariage.

A lire le pitch, comme on dit dans la langue de Molière, on ne sait s’il s’agit d’une comédie ou d’un sombre drame. Que l’on se rassure, les deux. Ce Mariage de Tuya est aussi celui de tous les cinémas. Et c’est tant mieux. Au fond il n’y a aucune raison que le cinéma chinois ne soit pas aussi divers que le nôtre. Les films d’auteurs côtoient des comédies populaires faites à la chaine, les wu xia pian, ces superbes films en costumes les bandes naturalistes et fauchées. Dans un pays en plein essor économique, alors que les salles poussent comme des champignons, il faut bien que la production suive, si elle ne veut pas livrer le pays pieds et poings liés à Hollywood.

Le Mariage de Tuya a attiré de nombreux convives dans les salles. Mais il a en parallèle enchanté la critique. Son ours d’or au festival de Berlin en 2007 est amplement mérité. Il faut dire que le signataire du film, Wang Quan’an  n’est pas un cinéaste mineur. Que Le Mariage de Tuya pousse à découvrir ses autres films est d’ailleurs une évidence…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver RIZ AMER (C'est la même âpreté et les mêmes drames qui accompagnent le travail de la terre pour les femmes) ou encore URGA (Il raconte les approches amoureuses en Mongolie, à quelques encâblures des lieux où se passe Le Mariage de Tuya).

Le parcours de Wang Quan’an est des plus classiques. Né en 1956 à Yan’an, dans la Shaanxi, une province qui jouxte la Mongolie intérieure, notre homme a étudié le cinéma à Pékin. C’est un peintre rigoureux de la Chine rurale à l’heure où le pays est soumis à des bouleversements rapides du fait de l’emballement de son économie. Il n’a signé en l’espace de dix-sept ans que six longs métrages, mais tous valent que l’on s’y attarde. Notamment son tout premier opus, Eclipse de lune, un film urbain qui nous permet d’emblée de faire connaissance avec la muse du cinéaste, Yu Nan. La Tisseuse, un superbe mélodrame qui ne cache rien des difficultés économiques de nombre de Chinois que la croissance a laissés sur le bord de la route. Ou encore Apart Together, qui met en scène les retrouvailles de deux amants cinquante ans après leur séparation provoquée par les remous de l’Histoire.

Quels que soient les atouts du film, quel que soit son charme, il est évident que sa qualité première est de nous offrir un superbe portrait de femme. Une femme courageuse, opiniâtre, qui jamais n’est découragée par les sales coups que lui réserve le destin. Sans doute le réalisateur a-t-il été inspiré pour raconter cette touchante histoire d’amour et mettre l’héroïne en lumière par le fait qu’il est alors lui-même en couple avec Yu Nan. Dont le talent égale la beauté. D’une certaine manière la comédienne est à Wang Quan’an ce que Gong Li était à Zhang Yimou dans la première partie de sa carrière.

De vingt-deux ans sa cadette, Yu Nan marque en tous cas le cinéma de son mentor jusqu’à leur séparation en 2009. Mais sa carrière ne saurait se confondre avec l’œuvre du maître, aussi nourrissante soit-elle. Yu Nan est présente dans nombre de films chinois qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Mais elle joue également dans La Bataille de la montagne du tigre, de Tsui Hark, prouvant qu’elle excelle dans tous les genres. La comédienne peut en outre se targuer d’avoir entamé une carrière internationale, facilitée par sa connaissance de l’anglais, et même du français. C’est ainsi qu’on a pu la voir dans Expendables 2 : unité spéciale ou encore Diamond Dogs ou Speedracer, ce dernier sous la direction des Wachowski. Cerise sur la gâteau, elle est même au générique d’un film français, signé Karim Dridi. Son titre : Fureur. Mais ce n’est pas le meilleur film de son auteur. Un autre cinéaste aura-t-il la bonne idée de la faire revenir en France ?