LE PIRATE

en VOD

On ne présente plus la Shaw Brothers, société de production fondée par quatre frères et installée à Hong Kong, qui fut la meilleure pourvoyeuse des films d’arts martiaux. Dans le courant des années 70, la concurrence se fait rude avec l’apparition de la Golden Harvest qui finance les premiers succès de Bruce Lee. La Shaw Brothers développe alors une politique de production agressive en offrant des œuvres toujours plus ambitieuses.

Dans ce contexte, Le Pirate est réalisé en 1973 par le cinéaste le plus doué des films d’action, Chang Cheh, auteur du célèbre La Rage du Tigre. Il se définit comme un marchand de violence. Le personnage de Chang Pao Tsai, véritable pirate du XIXe siècle, écumant les mers du Sud de la Chine, vers la fin de la dynastie Qing lui inspire une aventure épique spectaculaire. En accostant près d’un village de pêcheurs pour réparer une avarie, le pirate se découvre une âme de noble justicier, s’opposant à la tyrannie d’un gouverneur qui rackette les villageois. Secondé par deux autres réalisateurs, Chang Cheh filme de superbes combats qui libèreront le village du joug des oppresseurs.

Le film gagne en complexité avec l’apparition d’un combattant d’envergure, le général Hu, chargé d’arrêter Pao Tsai. Partageant les mêmes valeurs d’honneur, ce policier intègre fonctionne comme un double du pirate, un frère ennemi dont la fascination pour son adversaire se charge d’une trouble admiration. Gage supplémentaire de qualité, ces antagonistes sont campés par les deux stars de La Rage du Tigre, Ti Lung et David Chiang.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA RAGE DU TIGRE ou encore LES VIERGES DES MERS CHAUDES .

Le dénouement sanglant, en bord de plage, est caractéristique de la violence graphique, de l’inventivité et de l’outrance de Chang Cheh, qui inspira notamment John Woo. La réussite formelle des combats doit aussi beaucoup à la science du chorégraphe, Liu Chia Liang, grand maître en kung-fu. Esthète porté par la noblesse de l’art martial, Liu Chia Liang fut parfois dégoûté par les excès grand-guignolesque dont raffolait Chang Cheh.

Le Pirate demeure cependant une œuvre assez sage dans son traitement de la violence. Il n’est pas rare chez Chang Cheh que l’héroïsme finisse dans un bain de sang masochiste. Ici, il amoncèle seulement les cadavres des seconds rôles, épargnant les deux héros ennemis, à l’issue d’un corps à corps qui exprime plus d’admiration que d’animosité.

On a souvent écrit d’ailleurs que le cinéma de Chang Cheh, qui a déféminisé le film de sabre, était une représentation homosexuelle. Les regards émerveillés de l’équipage pour son beau capitaine habillé comme un seigneur ont tendance à confirmer cette analyse.