LE RINGARD

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Sous-titré Les Fantasmes d’un obsédé sexuel, Le Ringard est un curieux porno français produit et réalisé par Jean Luret en 1977. Son titre, peu excitant, déconcerte. Le personnage principal n’a en fait rien du héros séducteur que le spectateur peut espérer du genre. Vladimir, maquilleur dans un théâtre érotique de Pigalle, est un solitaire. Il vit dans un pavillon de banlieue, entouré de mannequins de femmes nues, certaines estropiées, dont il a maquillé les visages. Elles lui servent d’amantes, il les lave dans son bain. Nous sommes au bord d’une ambiance de thriller glauque comme Maniac de William Lustig.

Mais Vladimir n’est qu’un pervers inoffensif. Autre passe-temps : ses découpages de faits-divers sordides dans le magazine Détective, dont il orne ensuite le mur de sa chambre pour se masturber. Il a une sœur, dont nous n’entendrons que la voix sur son répondeur, qui lui procure l’adresse des femmes dont il apprécie les turpitudes dans ses journaux. Ainsi Anna, fleuriste à Romainville, qui téléphone à des inconnus pour leur livrer ses fantasmes. Vladimir se présente à elle comme psychiatre, intéressé par son cas.

Le Ringard est la rencontre de deux névroses, auxquelles s’ajoutent le voyeurisme des spectateurs du Love Théâtre. Les saynètes y sont bien curieuses, ajoutant encore plus d’étrangeté au film : les acteurs nus sont enlaidis de masques de farces et attrapes grotesques. Pluto le chien s’accouple frénétiquement avec une petite cochonne au sourire figé.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES THÉÂTRES ÉROTIQUES DE PARIS (De Robert de Nesle, 1975. Porno qui révèle plusieurs saynètes issues de théâtres érotiques.) ou encore MANIAC (De William Lustig, 1980. Autre portrait d'un névrosé entouré de mannequins.).

Au générique, Le Ringard est signé Sam Corey, pseudonyme habituel du producteur et réalisateur Jean Luret. Après des débuts dans le documentaire, tournant des courts métrages en Afrique en s’inspirant de cinéma vérité de Jean Rouch et participant au Dionysos noir de Roger Garaudy, filmé au Sénégal, Luret s’est lancé à son retour à Paris dans la vague lucrative du cinéma porno naissant. En 1982, il s’essaie à la comédie tout public. C’est facile et ça peut rapporter 20 ans et Adam et Eve sont des petits budgets s’appuyant sur la popularité de ses interprètes : Robert Castel, Michel Galabru, Alice Sapritch, Popeck ou encore Jackie Sardou.

C’est dans la pornographie qu’il démontre un esprit encore plus délirant. Ses films, tournés dans une extrême économie, proposent des scénarios délirants, ou pour le moins déroutants, avec des éléments incongrus qui deviennent sa griffe. Ici, ces masques de farces et attrapes, ridiculisant les activités sexuelles. Il en fera tout un film qui est un sommet de bizarrerie : Obsessions charnelles, dans lequel un personnage porteur d’un masque primitif jette des sorts aux passants. Ceux-là se retrouvent affublés des fameux masques de fantaisie vus dans Le Ringard et sont pris de frénésie sexuelle.

Ultime incongruité : l’apparition, à la toute fin, d’Olga Adabache, étoile prestigieuse des ballets russes de l’après-guerre, sous la direction de Maurice Béjart et du marquis de Cuevas pour lequel elle crée la fée Carabosse de La Belle au bois dormant. Serge Lifar lui offre un inoubliable sabbat de sorcière pour Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski. La revue Esprit disait que la liberté de son corps y restituait le sens premier de la danse : « l’offrande, le sacrifice, l’exaltation, ou bien au contraire : la conjuration, la magie, et la possession. » Nous l’apercevons ici, fugace, exécuter des mouvements avec ses mains. Que venait-elle faire dans Le Ringard, précédé de deux autres pornos de Norbert Terry, Pornographie chez Mme Saint-Claude et Les Hommes entre eux ?