LE SEXE EST DANS LE PRÉ

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Le sexe est dans le pré… est une curiosité de notre patrimoine pornographique, tourné en 35 mm en 1976 et sorti à l’époque dans les salles classées X sous le titre plus racoleur de Soumissions perverses.

Il n’y a pas l’ombre d’une soumission, à peine quelques perversités. Le retitrage bon enfant convient mieux à ce porno campagnard réalisé à la bonne franquette, dans un décor verdoyant de la province. « Un peu de grand air, y’a qu’ça d’vrai ! » explique un des personnages. Sur cette maxime simpliste, le récit se construit, démontrant, une scène érotique après l’autre, les vertus stimulantes de l’herbe coupée, du cours paisible d’une rivière, du vent léger soufflant dans les branches. Deux couples de Parisiens louant une fermette font ainsi l’expérience du fétichisme du tracteur, de la serre, et assouvissent quelques fantasmes dont l’indémodable étreinte dans le foin de la grange.

Reprenant une tradition discutable du cinéma populaire français, le milieu paysan est assez ridicule mais gaillard. Même les animaux, indispensables complices de l’ingénieur du son, s’en mêlent, sensibles à des actrices que la nature décomplexe. Les chèvres ne sont pas bégueules avec elles, et les oies picorent des graines sur le corps nu de Gwenda Farnel, ravie de cette improvisation. Ce zeste – ô très sage – de zoophilie est bien la preuve que le sexe est dans le pré.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PARTIES CARRÉES CAMPAGNARDES (De Claude Bernard-Aubert, 1979. Encore deux couples, en week-end à la campagne. Alain Plumey de nouveau à l'affiche.) ou encore COUPLES EN CHALEUR (Tourné simultanément avec Le sexe est dans le pré, et avec les mêmes comédiens.).

Sorti à Paris dans six salles d’exclusivité le 16 février 1977, Le sexe est dans le pré reflète la grande débâcle du cinéma porno français d’alors. 1977 est sans aucun doute l’année la plus quantitative du genre mais la loi X établie fin 1975 pénalise désormais fiscalement les films. Les budgets fondent comme les durées de tournage. Le producteur-réalisateur Jean Luret, durant cette période, accumule des tournages rapides, parfois simultanés, avec une équipe technique réduite, des scénarios minimalistes, quelques acteurs fidèles. Sa société de production, Les Films du Berri, nous donne peut-être un indice sur la région qui lui sert de cadre champêtre.

La facture est à l’emporte-pièce : montage au couteau, post-synchronisation approximative, musique au mètre et en boucle des inénarrables Ibach et Rinieri, producteurs-auteurs-compositeurs et découvreurs de Karen Cheryl. Mais pour l’amateur blasé du porno de série, trop souvent condamné à quatre murs, le bonheur est dans le pré. Comme quelques autres, Luret s’y est essayé plusieurs fois, explorant les ressources du plein air et découvrant des spécialités peu usitées dans le hard hexagonal, comme la pratique du sploshing, au hasard d’un ruisseau de sous-bois. Le corps à corps amoureux y devient fangeux.

Dans le rôle de Jules, le paysan bourru, les cinéphiles pointus auront reconnu Paul Bisciglia, un second rôle prolifique qui avait débuté vers 1950, était apprécié par Jean Anouilh, dont il participa à plusieurs créations. Il tourna aussi bien dans un Stanley Donen que pour Philippe Clair, Eric Rohmer, Claude Chabrol, Jean Renoir ou José Benazeraf. Il était surtout un familier de Jean Rollin, naufrageur des Démoniaques et psychanalyste dans Lèvres de sang. Le bagagiste effaré de L’Aile ou la cuisse ne dédaignait pas les productions pornos, tournant plusieurs fois pour Jean Luret. Mais il fut toujours doublé pour les plans hard, comme c’est le cas dans ce film.