LES AMANTS DU PONT-NEUF

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Il est certains films qui traînent bien malgré eux une réputation sulfureuse, une aura de catastrophe cinématographique. C’est assurément le cas du film que vous allez voir, Les Amants du Pont-Neuf réalisé en 1991 par Leos Carax, autrement dit Alexandre-Oscar Dupont dont le pseudonyme est l’anagramme de ses deux prénoms. Tout a commencé pour lui en 1984 avec Boy Meets Girl, son premier film qui sera suivi deux ans plus tard par Mauvais sang dans lequel joue déjà le futur tandem vedette des Amants du Pont-Neuf : Denis Lavant, véritable double de cinéma de Carax et  Juliette Binoche.

Mais  au fait pourquoi cette image désastreuse, alors même, il convient de le rappeler ici, que l’histoire des amours malheureuses d’un SDF et d’une princesse aveugle sous les ponts de Paris a été vue à sa sortie par près d’un million de spectateurs ? C’est le tournage qui contient en fait son lot de catastrophes. Pour commencer, Denis Lavant se blesse accidentellement repoussant d’un mois le début du tournage. N’ayant plus les autorisations pour filmer de jour sur le Pont-Neuf à Paris, Carax doit finalement tourner sur un décor construit près de Montpellier, réplique du Pont destinée d’abord aux seules scènes de nuit.

Mais le cauchemar ne s’arrête pas là car des pluies torrentielles détruisent en partie ce décor. Résultat, les retards s’accumulent, les coûts de production explosent et le risque de faillite se profile à l’horizon. C’est alors la valse des producteurs et seule l’intervention de Christian Fechner permet l’achèvement du film avec déjà la certitude qu’il ne couvrirait pas ses frais. La légende est née et Carax en fait les frais lui que certains articles décrivent comme un artiste à l’ego surdimensionné alors qu’il n’est finalement que la victime d’un enchaînement de circonstances indépendant de sa volonté.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver QUAI DES BRUMES (L'histoire de cet amour impossible est le manifeste du réalisme poétique du cinéma français des années 30, une parmi d'autres influences du cinéma de Carax.) ou encore LES AMANTS DU PONT SAINT-JEAN (Rien de commun a priori entre Henri Decoin et Leos Carax mais dans ce film de 1947, il est aussi question des amours d'une clocharde et d'un passeur qui dérangent les bien-pensants... et d'un pont aussi mais sur le Rhône cette fois !).

Les fulgurances poétiques qui abondent dans Les Amants du Pont-Neuf et sont la marque du cinéma de Carax comme le montrait encore en 2012, Holly Motors, ces fulgurances mettent au second plan l’histoire chaotique du tournage du film. Réduire le film à ces anecdotes reviendrait à éclipser un propos cinématographique qui concilie héritage et innovation avec brio. En effet, Les Amants du Pont-Neuf pourrait bien être la synthèse entre le naturalisme poétique et social des films de Carné et Prévert et la veine plus iconoclaste mais tout aussi poétique des films de Jean Vigo, par exemple.

Leos Carax se joue ici des codes du film « parisien » en convoquant des clichés d’un Paris éternel qui n’est ni tout à faux ni tout à fait exact. Avec également des personnages de clochard et d’aveugle qui appartiennent à une mythologie du cinéma français notamment. Carax les bouleverse avec un lyrisme exacerbé et sa volonté de ne pas tomber dans un misérabilisme trop facile. C’est ainsi qu’Iggy Pop aussi bien que Fairouz sont ici convoqués pour illustrer musicalement le romantisme absolu dont Carax se fait le chantre.

Mais il est vrai que Carax s’est brûlé en partie les ailes avec ce film monstre. Il a attendu ensuite plus de huit ans pour tourner Pola X, l’adaptation d’un roman d’Herman Melville et l’un des grands rôles de Guillaume Depardieu. Et Treize années séparent ce film de Holly Motors dont la présentation au sein de la sélection française à Cannes en 2012 fera sensation une nouvelle fois. Preuve que décidément le cinéma de Carax occupe une place à part dans la galaxie des films d’auteur.

Cracheur de feu, vagabond sans domicile fixe, Alex vit, survit sur le bord d’un pont délaissé par des travaux en cours. Il occupe une petite parcelle du pont, Hans lui en occupe une autre. Il se drogue pour dormir, pour exister. Puis vint la rencontre avec Michèle, une artiste ...

À Paris, le Pont-Neuf en travaux de réfection est un bien maigre refuge pour Alex et Hans, tous deux potes de galère. Ils ne peuvent trouver le sommeil que grâce à des "remèdes salvateurs" fournis par Hans, le "chef des lieux", bougon au possible et parfois intolérant. ...

S'il est des cinéastes qui divisent, Leos Carax en fait assurément partie. Premier paradoxe de ce film excessif : un budget pharaonique pour raconter la vie de deux sans-abris, écorchés vifs, marginaux au possible. L'autre, plus beau et plus intéressant que l’anecdote : ...