Robert Bresson, première période : dans Les Dames du bois de Boulogne, son deuxième film, le cinéaste travaille encore avec des comédiens. Plus tard, il ne fera plus tourner que des « modèles », des non professionnels chargé de ne rien exprimer, d'avoir un jeu blanc. C'est aussi la dernière fois où il collabore avec un écrivain, Jean Cocteau, comme il l'a fait pour Les Anges du péché, son premier film dialogué par Jean Giraudoux. Avec Cocteau aux dialogues, Bresson adapte dans les années 40 l'histoire de madame de La Pommeraye contée par Diderot dans Jacques le Fataliste. Une histoire de vengeance machiavélique où une femme quittée présente à son ex amant une jeune femme délicieusement timide. Ce n'est qu'après avoir épousé celle-ci que l'homme découvrira qu'elle était prostituée... D'un tableau de moeurs du XVIII siècle, Breson fait une tragédie intemporelle, universelle, sur la haine au féminin. Déjà, sa modernité éclate dans la direction d'acteurs : Bresson saoulait ses deux comédiennes, Lucienne Bogaert et la tragédienne Maria Casarès, pour les rendre le plus inexpressives possibles ! Mais aussi dans l'utilisation du son : dans la scène où Maria Casarès raccroche le téléphone et annonce sa vengeance, un son de claquettes se fait entendre, puis l'image d'Elina Labourdette, le moyen de cette vengeance, apparaît en train de danser. Cette technique aujourd'hui courante dans le cinéma était inédite à l'époque. Film précieux dans son texte, mais totalement épuré dans sa mise en scène, Les Dames du bois de Boulogne est un film admirable qui, même s'il date de 1945, donne un coup de vieux à la moitié des drames amoureux filmés depuis ! Et puis tout de même, rendons à Cocteau ce qui est à Cocteau : c'est dans ce film que l'on entend cette réplique devenue presque un adage populaire : Il n'y a pas d'amour, Hélène, il n'y a que des preuves d'amour.
Réalisé par
Avec
Tags
Robert Bresson
