LES DEMOISELLES DE COMPAGNIE

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Les cinémas français et italien ont souvent travaillé main dans la main. Les coproductions entre les deux fonctionnèrent aussi pour la pornographie, dès que celle-ci fit son apparition en 1979-80 sur les écrans transalpins. Ainsi Les Films du Chevain, petite maison de production sise à Meudon et spécialisée dans le X, s’acoquine avec Lorenzo Onorati pour produire Les Demoiselles de compagnie. Ainsi le cinéaste Gilbert Roussel emmène à Rome son chef opérateur et son cadreur habituels et quelques comédiens français pour tourner un film soft intitulé Miss Karina, l’histoire d’une jeune femme qui abandonne ses études de médecine et ses parents pour partir en Italie retrouver son cousin qui s’occupe d’un groupe révolutionnaire.

Aux dires de Roussel, cette version soft est inexploitable et il décide de la retourner en porno. Cela donne ces Demoiselles de compagnie. Vous y retrouverez quelques bribes du scénario originel et un énigmatique personnage mabusien, scrutant les ébats de couples sur des écrans vidéos. Le récit initiatique de l’héroïne est décousu, pour privilégier les séquences pornos aux feux de cheminée, un 69 lesbien avec des bougies, un gang bang filmé en hauteur avec un motard qui garde son casque et une séquence champêtre avec l’intromission d’une banane. Ce dernier détail porte la marque de Gilbert Roussel, pornographe culinaire qui a souvent privilégié les cuisines et les fruits et légumes. « Toute mon œuvre, dit-il, est un peu basée sur les légumineuses ! J’ai toujours des carottes et des tas de trucs à portée de la main au cas où les types tombent rapidement en panne. »

 

 
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Valait-il mieux découvrir Miss Karina, la version soft restée inédite ? Selon Roussel, le scénario était tellement confus qu’au bout de 6 lectures, il n’y avait toujours rien compris. C’était l’adaptation d’un roman de Jean La Gaude, curieux pseudonyme d’un certain Léon de Pas sur lequel il faut absolument se pencher.

Pour Roussel, il était « un doux illuminé catho, qui avait un message à délivrer au monde. De Pas s’est fâché avec moi, car je lui avais défiguré son œuvre. » Peu après, toujours avec Les Films du Chevain, Léon de Pas délivrait enfin son message en assurant lui-même la réalisation de Jésus descend à Pigalle et Le Rendez-vous de Notre-Dame, mélo métaphysique dans lequel un jeune oisif cynique atteint de délire paranoïaque était sauvé par l’amour et l’écoute des grandes orgues de Notre-Dame. Une fois encore, ces deux films ne furent jamais commercialisés.

Né en 1925 à Lille, de Pas avait eu plus de succès comme sculpteur, réalisant notamment la croix remise au pape Jean-Paul II lors de sa visite en Belgique. Parmi ses écrits, citons Jésus et la pécheresse qui transposait la vie du Christ de nos jours, préfacé par l’archevêque de Nice. En 2007, scandalisé par les propos de Benoit XVI en Amérique Latine, de Pas s’auto-débaptise. Avec vigueur, il dit « claquer la porte de l’Eglise pour ébranler les bases d’un édifice pourri très peu inspiré, sauf exception, par la ferveur édifiante d’une Marie-Madeleine. »

Déçu par le cinéma, déçu par la religion, Léon de Pas continue de sculpter le marbre et le bronze, réalise des statues de jardin en fer forgé, soude au chalumeau des objets utilitaires, transformant un garde-boue de vélo en gondole vénitienne. « J’aime faire danser le métal » dit-il.