LES UNS DANS LES AUTRES

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Produit en 1981 par Zoom 24, une société dirigée par Jean-François Davy, Les uns dans les autres fait partie des très nombreux films de montage qu’elle proposait, à moindre coût et dont il est bien difficile aujourd’hui de dresser la liste exacte. Le principe est des plus simples : un fil conducteur et une actrice servent à recycler des séquences pornos entières de films précédents, mais aussi des chutes et des plans coupés.

L’argument idéal est celui de la salle de montage, offrant un effet de mise en abîme. Ainsi donc Marina nous apparaît et déclare aussitôt : « Je suis monteuse. Je colle et je coupe, et je colle et je coupe. Il m’arrive de passer plusieurs fois la même chose quand ça m’intéresse. » Figure de substitution du spectateur, Marina n’est pas une froide professionnelle. Les images pornos qu’elle doit visionner, souvent, l’excitent. Cela permet aussi des moments érotiques quand le film revient à elle, en porte-jarretelles et bas noirs sous sa jupe, se masturbant.

Ses visiteurs, un journalise qui adore parler de lui et une amie, permettent encore une fellation et une étreinte lesbienne. Ajoutons enfin, entre ses trois personnages, des dialogues très imagés, sorte de pornographie littéraire qui n’est digeste que servie par des comédiennes habiles. C’est le cas d’Helen Shirley, qui interprète Marina, et peut dire sans être ridicule : « J’ai toujours été voyeuse. J’avais des parents tenanciers d’un hôtel borgne, mais moi, j’étais pas aveugle ! » Dominique Aveline, en revanche, commet quelques liaisons zinopportunes.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver UNE SI JOLIE PETITE CHATTE (Autre porno du duo Jean-François Davy/Michel Caputo, tourné la même année. Encore un film de montage mené par une comédienne, récitant des textes crus en son direct et recevant, elle aussi, un journaliste pour une interview, le tout fortement coupé/illustré de séquences hard de diverses provenances.) ou encore CES FEMMES QUI NE PENSENT QU'À ÇA (Porno de Richard Lennox. L'un des premiers pornos français (1977) utilisant le principe de la salle de montage pour montrer des images pornographiques.).

Devant un tel produit de recyclage, trois attitudes possibles. Soit vous fuyez, atterré par l’escroquerie et allergique à la prétention comique des rares dialogues des séquences de liaison. On m’a laissé entendre que ceux-ci étaient souvent l’œuvre d’un célèbre critique de cinéma amateur de films noirs. « J’étais trempée comme Gene Kelly dans Chantons sous la pluie » : cet aveu de Marina indique en tout cas un dialoguiste cinéphile.

Soit vous êtes un passionné de pornographie française et vous entreprenez l’identification de tous les extraits. Vous en reconnaitrez facilement certains, issus de L’ouvreuse n’a pas de culotte. Le vertige vous saisit lorsque vous découvrez que d’autres extraits proviennent d’Infirmières jouisseuses et Une si jolie petite chatte, eux-mêmes films de montage. Vous obtiendrez une médaille si vous parvenez à reconnaître les origines des nombreux gros plans génitaux. Dire qu’ils proviennent tous du catalogue des productions Jean-François Davy est trop facile et imprécis.

Troisième attitude : ne s’inquiéter de rien, subir, oublier les dialogues, se laisser bercer par la musique au mètre qui rythme les partouzes. Si, dans les extraits visionnés par Helen Shirley, Dominique Aveline et Jennifer, vous les reconnaissez sans qu’ils s’en étonnent outre mesure, ne vous interrogez pas. Laissez-vous simplement charmer par les lumières, la moquette synthétique blanche, l’endurance des corps. Ecoutez la voix gouailleuse de Mika, savourez les efforts suaves de Cathy Ménard, applaudissez la rigidité triomphale de Richard Allan – il en sera flatté –, la blondeur de Laura Clair et l’exubérant tempérament de Sophie Abélaïd. Par ma part, j’ai aimé Helen Shirley prenant des bobines 35 mm pour se masturber avec. Quelle magnifique fulgurance, qui affirme que le cinéma porno est non seulement une source de jouissance par ses images mais aussi par son support.