LIONS LOVE

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C’est l’un des longs métrages les plus rares d’Agnès Varda que FilmoTV vous propose de découvrir : Lions Love (… and lies), une « fiction utopique » selon ses propres mots, ou encore un reportage imaginaire filmé à l’époque où elle est installée à Los Angeles avec Jacques Demy : ce dernier est en effet venu tourner Model Shop pour la Columbia avec Anouk Aimée. Nous sommes en 1968, et Agnès Varda ne perd rien du mouvement hippie qui est en train de naître aux Etats-Unis : ce qu’elle capte dans ce film, qui mélange le vrai et le faux, c’est la culture du fameux flower power.

Pour mieux saisir l’essence de ce mode de vie ultra libre et décomplexé, Agnès Varda réunit dans une villa hollywoodienne des personnalités emblématiques de l’époque : la réalisatrice américaine Shirley Clarke, figure de l’avant-garde new-yorkaise, la comédienne Viva, égérie d’Andy Warhol avec qui elle vient de tourner Bike Boy, et un duo de chevelus composé de Jim Rado et Gerome Ragni, les auteurs de la comédie musicale Hair, qui est en train de triompher à Broadway.

Tout ce beau monde passe donc ses journées devant la caméra d’Agnès Varda, qui enregistre les conversations embrumées par la marijuana, les déambulations fesses à l’air, les réflexions intimes et les commentaires liés à l’actualité. Car la télévision est un personnage à part entière dans ce film de « sex and politics », en particulier quand les infos livrent en direct l’annonce de l’assassinat de Robert Kennedy. Fascinante observation du quotidien hippie, le film s’impose comme un témoignage d’autant plus précieux de ce mode de vie et de pensée qu’Agnès Varda fut l’une des rares cinéastes françaises à s’y intéresser. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver HAIR (Les acteurs de Lions and Love sont aussi les créateurs de la comédie musicale originale qui fut adaptée en 1979 par Milos Forman. On y retrouve l'esprit hippie dans toute sa splendeur !) ou encore MURS MURS (Ce documentaire, tourné lors du deuxième séjour d'Agnès Varda à Los Angeles, illustre à son tour son amour de la ville, mais aussi son talent de documentariste.).

En 1968, Agnès Varda a déjà profondément marqué le cinéma français, notamment avec ses deux premiers longs métrages : La pointe courte, en 1955, et Cléo de 5 à 7 en 1962, influences majeures pour les représentants de la Nouvelle Vague, Alain Resnais en tête. Mais la réalisatrice, qui a commencé comme photographe, est aussi connue pour son travail documentaire : quand elle attaque le tournage de Lions, Love (… and Lies) elle vient notamment de signer un film militant sur les Black Panthers, après avoir initié, avec Chris Marker, Loin du Vietnam, docu collectif réalisé en soutien au peuple vietnamien.

Pour son premier film de fiction écrit en anglais, Agnès Varda laisse une large place à l’improvisation : les comédiens travaillent sans scénario, répétant chaque scène en partant d’une dizaine de lignes écrites par la scénariste et réalisatrice. Sur cette base, Agnès Varda les laisse dire tout ce qui leur passe par la tête avant de le remettre en forme pour le tournage. Présenté au New York Film Festival en septembre 1969, le film est donc baptisé Lion’s Love (… and Lies) par Agnès Varda. Lions en référence à la crinière de ses comédiens ; Love pour l’amour à trois, l’un des symboles du flower power, et Lies comme un écho des mensonges diffusés par la télévision.

Les plus attentifs reconnaîtront dans le film Jim Morrisson dans son propre rôle : le leader des Doors, qui a fait des études de cinéma avant de devenir le charismatique rockeur que l’on sait, s’est lié d’amitié avec Agnès Varda, à qui il rendra plusieurs fois visite par la suite, notamment sur le tournage de Peau d’âne. Il faut enfin savoir que Lions, Love (… and Lies) a été tourné par Agnès Varda après l’échec d’un projet avec la Columbia. Elle devait en effet réaliser pour le studio un film intitulé Peace and Love, mais les négociations ont échoué sur la question du Final Cut, que la réalisatrice souhaitait garder. On devine donc qu’à travers le personnage de Shirley Clarke, cinéaste radicale venue se heurter au cinéma hollywoodien, c’est un peu de sa propre expérience qu’elle met en scène …

Réalisé par Agnès Varda, Lions Love est un film de 1969 qui reflète tout à fait l'esprit de son époque aussi bien dans sa forme très expérimentale (dialogues surréalistes semi-improvisés, caméos improbables de la réalisatrice...) que dans son fond (transgressif et teinté ...

En s'aventurant à Los Angeles, Varda signe 4 films en un : un portrait de l'Amérique par une française ; le mythe olympien d'Hollywood comme nouveau royaume des dieux ; une critique politique ; un auto-portrait via la figure de Shirley Clarke. ...