LOUISE-MICHEL

en VOD

Troisième film du duo Gustave Kevern et Benoît Delépine, Louise-Michel poursuit le délire et la fantasmagorie mi-dingue, mi-ancrée dans le réel de Aaltra et Avida. Cette fois, les réalisateurs entrainent leur anarchie ambiante dans le monde de la crise avec pour figure de proue, la référence à un grand nom de la Commune de Paris.

Ici, Louise, une ouvrière picarde dont le patron a vidé l’usine pendant la nuit, laissant les employés dans une situation particulièrement précaire, décide avec ses collègues d’embaucher un tueur à gages pour liquider l’indélicat chef d’entreprise. Elle tombe sur Michel, un trouillard qui n’a de dangereux que sa propre maladresse. Mais il accepte le contrat et le duo part sur les routes venger les oppressés du système.

Avec Yolande Moreau et Bouli Lanners au casting de ce "Tueurs-nés" made in Picardie, Kervern et Delépine offrent la parole aux plus petits, aux laissés pour compte dans une œuvre loufoque, extrême et exutoire qui prône la différence tout en ayant bien conscience du monde qui l’entoure. Les fans de Groland sont ici en terrain conquis. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver COMMENT TUER SON BOSS? DE SETH GORDON (Là aussi des employés veulent se débarrasser de leurs terribles patrons.) ou encore C'EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS DE REMY BELVAUX (Même esprit belge mêlant absurde, humour noir et un vrai regard sur la société.).

Louise-Michel avec un trait d’union n’a de rapport concret avec Louise Michel l’institutrice anarchiste durant la Commune de Paris que la célèbre photo qui la montre au générique. Et pourtant, l’esprit est là. Alors que la figure historique prônait des valeurs égalitaires, féministes et n’hésitait pas à s’habiller en homme pour défendre sa cause, le tandem interprété par Yolande Moreau et Bouli Laners prône la mort des patrons. Une cause un peu vague qui sonne pourtant ici comme un cri du cœur pour Louise, cette ouvrière abandonnée par son employeur. Un cri du cœur partagé par celui qu’elle emploie, Michel, lui-même laissé pour compte de la société. Car avec cette fable, les réalisateurs Gustave Kervern et Benoît Delépine mettent en scène le monde de la crise, où cette fois les employés prendrait leur revanche.

Mais Louise-Michel dit bien aussi l’impossibilité de se venger. En effet, à chaque fois que le duo de tueurs du dimanche s’en prend à un patron, ils découvrent qui celui-ci n’était lui-même que l’employé de quelqu’un d’autre. Une réaction en chaîne qui les entraine finalement vers une abstraction totale quand il s’agit de faire face à des holdings ou des fonds de pension par exemple. Le film transforme ainsi, peu à peu, ses personnages en Don Quichotte du prolétariat. Mais loin du cynisme de certaines comédies, Louise-Michel porte un regard non pas attendri mais concerné et bienveillant sur ces fantômes qui n’ont plus rien à perdre puisque dépossédés de ce qui pouvait encore les maintenir dans la réalité. En perdant leurs dernières accroches à une société qui ne veut plus d’eux via le licenciement pour l’une et la bonne conscience pour l’autre, et dont ils ne veulent plus, les deux personnages se marginalisent et construisent leur monde exclusif non plus régi par des lois imposées mais par leurs propres envies et obstinations.

Alors puisque la vengeance est impossible, est-ce que finalement le dernier bastion ne résiderait-il pas dans le personnel ? Là où la vraie Louise Michel se déguisait parfois en homme pour s’imposer et défendre ses idées, nos deux héros ne sont pas non plus ce qu’ils paraissent. En effet, Michel est en réalité Cathy, dont le changement de sexe a provoqué le rejet des parents tandis que Louise est Jean-Pierre, un ex-taulard obligé de d’apparence pour se réinsérer. Deux personnages obligés par la société ou leur propre volonté de changer sexe afin de continuer à exister. On trouve aussi dans ce film, des mourants, prêts à une dernière action éclatante, comme un baroud d’honneur, pour montrer qu’ils ont été vivants. Comme un message de Kervern et Delépine, habitués de ce type de héros que l’on retrouve dans Groland, pour nous dire que la seule résistance possible se fait à l’échelle personnelle, humaine. 

Ce qui me plaît dans ce film, c'est qu'elles mettent en commun et elles engagent un tiers, comme de vulgaires petits patrons... sauf que ça ne marche pas aussi bien. L'une des morales est d'ailleurs la suivante : on est jamais aussi bien servi que par soi-même (surtout surtout ...

En short : Un road movie foutraque et sinistre mais très drôle, fait par des piliers du Groland. Amateurs de cinéma entertainement carré, passez votre chemin. Prenez l'esprit Groland, le cinéma d'Aki Kaurismaki, touillez le tout avec un peu de conscience sociale, et voilà ...

Après le road-movie charbonneux ("Aaltra") et le surréalisme à la Bunuel ("Avida"), les terribles grolandais Delépine et Kervern s'attaquent à la comédie noire sociale, accouchant de leur film le plus "conventionnel" mais aussi le plus structuré, le plus abouti. Gigantesque ...