LUCIEN CLERGUE CINÉASTE

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Personne n'a oublié Lucien Clergue à Arles. La ville lui doit une partie de sa réputation internationale depuis qu'il a crée les fameuses rencontres photographiques, devenues un évènement culturel majeur. Clergue s'est pourtant fait un nom bien avant cela, notamment en allant, au début des années 50 au culot présenter à Pablo Picasso ses premiers clichés. Cette amitié permettra à l'Arlésien de côtoyer d'autres grandes figures artistiques, de Paul Eluard à Jean Cocteau.

S'il reste plus connu pour ses travaux photographiques, de nus révolutionnaires dans les années 60 à sa série des Charognes, sur les cadavres de taureaux après les corridas, il y avait une certaine logique à ce que celui qui voyait la photo comme un langage à part entière, jusqu'à avoir conçu une thèse, Langage des sables, ne comprenant aucun mot, uniquement composée d'image, soit attiré par le cinéma.

Il y entre de plain pied en devenant photographe de plateau du Testament d'Orphée en 1959. Par le biais de Cocteau, Clergue rencontre le producteur Pierre Braunberger, qui lui propose de réaliser Drame du taureau, un court métrage qui sera récompensé par le prix Louis Lumière en 1966. S'ensuivront une vingtaines de documentaires, dont les huit perles proposées dans ce cycle, époustouflantes prises sur le vif de la culture du Sud, rude mais dont Clergue a su extraire une vibrante poésie, inspirant à Cocteau l'idée que ce travail formait "les carnets de croquis du bon Dieu".

Difficile de séparer la carrière de cinéaste de Lucien Clergue de celle de Pierre Braunberger. Ce producteur aura été fondamental dans l'histoire du cinéma français : derrière certains films de Jean Renoir, Sacha Guitry ou Marc Allégret dès la fin des années 20, il sera un des artisans de la Nouvelle Vague en accompagnant les premiers pas, entre autres de Varda, Resnais, Godard, Truffaut tout en finançant des cinéastes encore plus avant-gardistes comme Chris Marker ou Jean Rouch.

Braunberger gardait par ailleurs un oeil attentif sur les courts métrages, domaine qu'il considérait comme du cinéma à part entière, ou au moins un laboratoire où il pouvait tester les cinéastes en herbe qu'il avait repéré. Tout autant féru d'autres domaines artistiques - il n'était pas rare qu'il enchaîne dans une même journée, projections de films, spectacles de théâtre et exposition par pure soif de curiosité. Elle l'amènera à rencontrer Lucien Clergue, d'abord dans des expositions de ses photos, puis dans les arènes d'Arles où ils se découvrent une passion commune pour la tauromachie, d'où naîtra Drame du taureau, court métrage sur les coulisses d'une corrida.

Braunberger restera fidèle à Clergue, en produisant tous ses films. L'oeuvre de Clergue est pourtant restée confidentielle parmi les cinéphiles, faute de diffusion répandue dans les salles pour ses courts métrages. Elle aurait pu connaître la consécration avec la sélection au festival de Cannes en 1968 de Delta de sel, évocation graphique à la manière des peintres abstraits que Clergue révérait, des marais de Camargue, mais sa projection sera occultée par la retentissante interruption du festival au bout de neuf jours, due aux évènements de Mai 68. Braunberger et Clergue ne se quitteront pas pour autant. Le producteur achevant sa carrière en 1991 avec un ultime court métrage du photographe, bouclant la boucle tant par son contenu, le portrait d'un toréador en pleine ascension, que par son titre : D'abord la vie, ensuite les triomphes.