LUDIVINE

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Les autorités célestes envoient un ange de seconde classe sur terre pour sauver James Stewart, au bord du suicide. C’est la trame poétique d’un conte de Noël réalisé par Frank Capra en 1946, La vie est belle. Impressionné par ce chef d’œuvre, John B. Root a eu la merveilleuse idée de s’en inspirer pour une transposition porno. Ainsi, l’ange qui était joué Henry Travers prend l’apparence de la hardeuse Mégane. C’est un ange débutant, qui n’a pas encore obtenu ses ailes comme chez Capra mais qui en revanche n’a vraiment rien d'asexué. James Stewart devient Francesco Malcom, irrésistible en réalisateur de porno dépressif, désabusé et suicidaire.

Déjà filmée dans Inkorrektes, le précédent film de John B. Root, la Corse sert encore une fois de cadre à son histoire. Grâce au dévouement local, le cinéaste a bénéficié de décors naturels magnifiques. Tourné en cinq jours début octobre 2007, avec la bénédiction d’une météo idéale, Ludivine multiplie les scènes pornos intenses. Lac, clairière, rivière, plage en bord de mer leur confèrent un caractère naturiste. Conquis par les lieux, en confiance sur le tournage, les comédiens sont parvenus à des prouesses étonnantes.

Car John B. Root a beau soigner son scénario, riche en scènes de comédies, il n’en n’oublie pas le hard. En témoignent, au hasard, une formidable étreinte sur les hauteurs d’un plateau, le couple se découpant sur un ciel tourmenté, ou encore cette orgie au feu de bois dans laquelle les jeux de mains se font particulièrement sauvages.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DEMON ou encore LA VIE EST BELLE .

« Ce que les gens veulent, c’est du gonzo, pas d’histoires, pas de bla-bla, de musique. Ils veulent du cul. Point barre. Le porno avec un scénario, c’est mort. » décrète l’un des acteurs de Roberto Falcone. Ludivine, justement, est né de la lassitude de John B. Root d’être resté près de trois ans à tourner des scènes pornos pour le net. Pour cet amateur sincère de la pornographie, amoureux d’une époque où l’on tournait des pornos en 35 millimètres et qu’il découvrait, émerveillé, dans les salles classées X, Ludivine prend des allures de manifeste. Son film règle au passage quelques comptes avec le porno actuel, sur le mode léger de la satire et affirme son ambition de raconter des histoires avec du sexe.

Le pari est réussi. La comédie et le sexe se marient dans un parfait équilibre. Les scènes hard se justifient pleinement puisque le récit se déroule sur le tournage même d’un porno. John B. Root y introduit un ressort comique subtil : malgré la qualité pornographique des séquences filmées par son équipe, Roberto le réalisateur s’enfonce toujours plus dans la dépression, apathique devant les natures exubérantes de ses stars. Déjà auteur d’une autobiographie au titre mélancolique, Porno Blues, John B. Root a mis beaucoup de lui dans ce rôle.

Se battant depuis des années pour faire des bons films, traversant des moments de doute, fragilisé par les soubresauts de l’ordre moral, toujours prêt à étouffer la créativité dans ce domaine, John a eu l’élégance de faire de son alter ego un personnage de comédie, parfois ridicule et maladroit. S’il s’amuse à épingler la concupiscence d’un producteur, la futilité d’une actrice trop apprêtée, c’est sur le réalisateur qu’il exerce sa dérision. Au final, la démonstration est faite : le gonzo a certainement des vertus, mais le porno avec un scénario n’est pas encore mort. Tant que des anges veilleront sur John B. Root et quelques autres…