Le jeune réalisateur-producteur Walter Salles n'en finit pas d'entraîner dans son sillage de prometteurs nouveaux talents brésiliens. Il a d'abord révélé Fernando Meirelles (dont il a produit La Cité de Dieu). Mais il s'est aussi entouré de deux jeunes scénaristes, Karim Aïnouz et Sérgio Machado, pour écrire Avril brisé (en 2001). Ces derniers ont ensuite écrit ce Madame Satã, accompagné de Marcelo Gomes. Outre le film que vous venez de voir, ils ont, à eux trois (écrivant ensemble, réalisant tour à tour), signé quelques-uns des titres les plus excitants du cinéma brésilien de ces dernières années : Bahia, ville basse ; Cinéma, aspirine et vautour et Le Ciel de Suely.
A leur tour, ils ont révélé une génération de formidables jeunes interprètes : Hermila Guedes, João Miguel, Alice Braga et, ici, Lázaro Ramos, qui réussit l'exploit d'être follement sensuel en homosexuel travesti, tout en déployant une frappante virilité et une incontrôlable violence. Il est tout autant convaincant en champion de boxe dans Bahia, ville basse ou en tueur solitaire dans Cobrador, qu'il l'est en chanteur gay du Danube bleu ! Et pourtant, il n'a obtenu le rôle de Madame Satã que lorsque l'acteur pressenti s'est vu contraint de décliner le film, trois semaines avant son tournage ! Madame Satã ayant tardé sept ans avant de se tourner, Ramos, qui n'avait que 18 ans lors de ses premiers essais, avait mûri au moment du tournage et était devenu l'interprète idéal...
Enfin, vous avez certainement apprécié la photographie de ce film très stylisé. Walter Carvalho, déjà chef op de Central do Brasil, filme avec chaleur, couleur et luminosité les nombreuses scènes nocturnes, joue sur des flous habilement maîtrisés et favorise une proximité totale avec les personnages. Une façon de rendre profondément humain ce portrait d'un être ordinaire (et incroyablement complexe) devenu mythe à force de résistance face à l'adversité et d'amour de la vie.