MON MEILLEUR AMI

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En l'an de grâce 2006 deux films signés Patrice Leconte sont sortis sur les écrans de France et de Navarre. Le premier, en février, Les Bronzés 3 : amis pour la vie est un succès d'une ampleur sans précédent, un tsunami au box office. Il est vrai que les retrouvailles du public et des anciens de la troupe du Splendid, devenus entre temps de grandes stars, Jugnot et Clavier en tête, avaient tout pour plaire.

Le second, en décembre, Mon meilleur ami, est plus modeste en matière de budget, c'est un film plus fragile aussi, qui ne joue pas uniquement sur le ressort comique, mais distille une douce mélancolie dont Patrice Leconte est coutumier. Centré sur deux personnages qui, a priori, n'ont rien de commun mais qu'un hasard facétieux a mis en présence, un peu comme dans un film de Francis Veber, Mon meilleur ami traite, on s'en doutait, de l'amitié. Ou plutôt paradoxalement de l'incapacité de certains à se lier avec autrui. Une sorte de confession douce-amère de la part de Patrice Leconte qui reconnaît volontiers que sa jovialité naturelle ne va pas sans une certaine réserve...

Dans le rôle du triste sire malade de solitude, Daniel Auteuil, marchand d'art de son état. Daniel Auteuil que Patrice Leconte avait déjà plongé dans la détresse dans le rôle d'un lanceur de couteaux dans La Fille sur le pont, aux côtés de Vanessa Paradis. Dans le rôle de son meilleur ami, Dany Boon, un chauffeur de taxi au savoir encyclopédique. Il n'y avait a priori aucune raison que ces deux-là se lancent dans une relation complexe et tumultueuse. Mais au cinéma rien n'est impossible...

 
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Ainsi s'achève Mon meilleur ami… C'est la seconde fois que Jérôme Tonnerre signe le scénario d'un film de Patrice Leconte, après Confidences trop intimes. Les deux films ont en commun de développer une histoire intimiste, centrée autour de deux personnages que le hasard met en présence (mais on pourrait en dire autant de La Fille sur le pont, L'Homme du train, La Veuve de Saint-Pierre ou Les Spécialistes). Les deux films sont construits sur un point de départ fragile et pour tout dire assez improbable, mais ils jouent avec talent de l'art du quiproquo tout en mettant en lumière des personnages emblématiques de la comédie humaine.

Le monde que dépeint Leconte nous est familier, mais la morale (dans le sens où Molière aurait pu employer ce terme) est universelle. Le cinéaste souligne nos petites manies, nos compromis, nos lâchetés, il le fait sans méchanceté, avec une certaine empathie même, mais il ne nous lâche pas. Il tourne et retourne la notion d'amitié dans tous les sens, jusqu'à rebondir sur le fameux jeu télé animé par Jean-Pierre Foucault, Qui veut gagner des millions, au cours duquel les candidats sont conviés à téléphoner à un ami, justement... C'est donc Dany Boon qui est invité à donner son dernier mot à un Jean-Pierre Foucault plus matou goguenard que jamais, parfait il faut le reconnaître dans le rôle de Jean-Pierre Foucaud.

Dany Boon dont les apparitions au cinéma sont relativement rares. Donc chères. Monté à Paris dans les années 80, ce ch'ti attachant a commencé comme mime de rue avant de se produire sur scène dans des one man shows gorgés de sa profonde humanité. Il aime jouer, mais il se régale à écrire. On lui doit une pièce de théâtre, La Vie en chantier, et deux films en tant que réalisateur : La Maison du bonheur en 2006, puis Bienvenue chez les ch'tis en 2008. Une nouvelle preuve de son attachement à ses racines nordistes. Le confronter à Daniel Auteuil, algérois de naissance et avignonnais de cœur était dans ces conditions riche en potentiel de contrastes. Mais quel que soit le talent des deux hommes, il serait injuste de ne pas relever la présence de Julie Gayet à leur côtés. Celle que nous avons découvert il y a maintenant quinze ans dans A la belle étoile, d'Antoine Desrosières dans le rôle d'une équilibriste polonaise, mène une carrière d'un éclectisme exemplaire. Elle excelle dans la comédie sentimentale (Clara et moi, Les Gens qui s'aiment, Un baiser s'il vous plaît) mais fait également preuve de temps à autre d'une capacité peu commune à incarner des personnages au bord du gouffre, voire un peu plus loin, à l'image de cette Nathalie, camée et prostituée dans Sélect hôtel de Laurent Bounikh. Sa présence confirme la passion de Patrice Leconte pour les comédiens dont il aime la fragilité et la démesure. Il leur a d'ailleurs consacré un film, une farce pleine de tendresse, Les Grands ducs.

Au fur mesure qu'avance le compte à rebours de sa carrière au cinéma (car Leconte répète avec constance qu'il ne signera plus que trois ou quatre films), c'est au théâtre qu'il retrouve le plaisir de la direction d'acteurs, qu'il met en scène avec gourmandise. C'est ainsi qu'il a récemment retrouvé Jean-Pierre Marielle, son complice des Grands ducs et du Parfum d'Yvonne pour lui faire lire sur scène les lettres les plus jouissives de Groucho Marx. Patrice Leconte avait consacré son mémoire de fin d'études à l'IDHEC à La Soupe au canard, le film le plus délirant des Marx Brothers. Une belle façon de boucler la boucle, vous en conviendrez...