POISSON-LUNE

en VOD

Avant dernier long métrage de Bertrand Van Effenterre après Tumultes en 1990 et Côté coeur, côté jardin en 1984 et avant Tout pour l’oseille en 2004, Poisson lune sort en 1993. Un long métrage qui s’amuse du contre-emploi d’une de ses actrices principales, Anémone, comme Bâtard le faisait déjà avec Gérard Klein. 

On suit ici Fabienne, une jeune adolescente et fille de la patronne d’un Centre de loisirs de constructions dans le sud de la France, et Latifa, fille de l'un des ouvriers. Elles sont copines, elles se disent tout ou presque. L'inauguration de Centre approche. Ce sera le jour de l'anniversaire de Fabienne, elle aura seize ans. Mais cette fête ne semble pas synonyme de joie pour sa mère Anne et son oncle Tom. 

Aux côtés d’Anémone, qui jusqu’alors était plus habituée aux comédies, on retrouve Robin Renucci, Aurélie Berrier ou encore Nozha Khouadra pour une histoire sur la difficulté des rapports enfants-parents, les secrets familiaux dévorants et la rencontre de deux cultures avec pour théâtre le Midi de la France.

Quand Bertrand Van Effenterre réalise Poisson lune, il n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il s’agit de son sixième long métrage. Pour l’occasion, celui qui est le fils de l’archéologue, chevalier de la légion française, Henri van Effenterre, retrouve des réflexes qu’il avait déjà employés dans un précédent film, Bâtard en 1983. A l’époque, dans cette adaptation du romancier américain Erskine Caldwell, le cinéaste mettait en scène Gérard Klein dans le rôle d’un jeune homme pris en plein fait divers, assassin du souteneur de sa mère prostituée retrouvée morte. Un rôle tout en égarement, loin de l’Instit qu’il incarnera 10 ans plus tard ou de ses premiers rôles d’amoureux. 

Dans Poisson lune, Bertrand Van Effenterre retrouve ce geste presque baroque, très américain, qu’il exploitait déjà dans Bâtard et qu’on ne lui connaissait pas avant, à travers des mouvements de caméra réguliers et des déplacements dans le temps étonnants. Plutôt dépaysant comme le rôle qu’il confie à la comédienne Anémone qui, à l’époque, était bien plus identifiée pour ses rôles dans la comédie que dans ce type de personnage, inquiet, jaloux, éperdu et bouleversé. Une actrice de caractère pour un rôle qui l’est tout autant comme l’ensemble d’ailleurs des rôles féminins de Poisson lune. En effet, ce long métrage est avant tout un croisement de destins de femmes et de féminités en quête d’elles-mêmes. 

Mais au-delà de ce rapport au féminin, à travers les histoires d’Anne, Fabienne et Latifa, ce qui intéresse le cinéaste dans Poisson Lune, c’est aussi une certaine réalité sociale et, plus précisément les problèmes des immigrés. Cela peut se voir à la fois dans l’intrigue, avec ce geste terrible de Anne envers une Latina tentant désespérément de s’intégrer pour fuir une famille maghrébine trop étouffante, que dans la relation amicale et tendre entre les deux adolescentes de 16 ans. Fabienne et Latifa ont le même âge, vivent au même endroit mais ne sont pas sur un pied d’égalité malgré ce que laisse entendre leur camaraderie si naturelle. Une inégalité que le film s’échinera à renverser dans sa fin en faisant des deux jeunes femmes, des fuyardes et des déracinées, unies pour la vie.