PRÊTE À TOUT

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Prête à tout aurait pu s’appeler Fantasia chez les ploucs tant cette comédie policière se veut une critique grinçante d’une société américaine qui fait davantage pitié qu’envie. Le personnage principal est une jeune femme au physique de poupée Barbie qui sous un sourire rayonnant cache des dents qui rayent le parquet. Rêvant de gloire télévisuelle, cette Madame Bovary d’outre-Atlantique est effectivement prête à tout pour réussir. Notamment à subjuguer trois ados paumés à qui elle demande de trucider son mari.

Le trait peut paraître grossier, mais l’Amérique a des démons qui lui sont propres. On n’est qu’à demi-surpris de savoir que cette histoire abracadabrantesque est, avant qu’elle ne donne lieu à un roman signé Joyce Maynard, tirée d’un fait divers bien réel. Dans la vraie vie Suzanne s’appelait Pamela Smart. Elle était blonde et bien de sa personne. C’est donc parmi les comédiennes correspondant à cette description que les auteurs ont cherché leur héroïne.

Meg Ryan a longtemps été pressentie. Mais elle n’était qu’à demi-convaincue. A l’inverse, Nicole Kidman, qui n’était pas à l’époque la star qu’elle deviendra par la suite et que l’on voyait d’abord comme étant la longiligne moitié de Tom Cruise, était persuadée que le rôle était taillé sur mesure. La légende veut qu’elle n’ait pas lâché Gus Van Sant, le réalisateur du film, jusqu’à ce qu’elle obtienne le rôle. Celui d’un personnage opiniâtre qui ne rêve que de gloire. En l’occurrence ce n’était pas une composition. C’est en tous cas le premier grand rôle de la comédienne, qui, alternant films tous publics et œuvres pour le moins exigeantes, va devenir la mascotte de publics pourtant hétérogènes. Mais qui peut nier qu’elle possède une grâce et un mystère peu communs ?

 
Dans le même genre vous pouvez trouver POUPOUPIDOU (C'est aussi le portrait d'une jeune et jolie provinciale qui cherche à percer en présentant la météo) ou encore THÉRÈSE DESQUEYROUX (Une femme cherche à se débarrasser de son époux, qui l'ennuie.).

On rit beaucoup à la vision de Prête à tout. Et même quand le drame survient, nous n’avons pas d’empathie immédiate pour des personnages qui oscillent entre l’odieux et le pitoyable. Prête à tout est une oeuvre de commande, qui ne ressemble pas nécessairement aux autres films de Gus Van Sant. Son réjouissant mauvais esprit tire plutôt du côté des frères Coen, qui lorsqu’ils croquent l’Amérique profonde, comme dans Fargo, n’ont pas d’égaux. Egaux AUX. Gus Van Sant est néanmoins un cinéaste singulier, atypique. Longtemps gardien du temple d’un cinéma indépendant qui jamais ne courbait l’échine, il a parfois dû mettre de l’eau dans son vin. C’est l’échec du bizarroïde Even cowgirls get the blues qui a provoqué cet hollywoodien Prête à tout. On ne s’en plaindra pas. Mais le film n’est pas aussi éloigné de ses préoccupations habituelles qu’il y paraît. Et il n’est pas interdit de reconnaître les ados désœuvrés de Prête à tout comme étant les grands frères du tueur lobotomisé d’Elephant ou les cousins du musicien suicidaire de The Last days.

Mais Van Sant n’est pas le seul responsable du brillant de cette charge impitoyable sur les limites du rêve américain. Pour écrire le scénario il s’est adjoint Buck Henry qui non seulement a fait l’acteur dans nombre de films, mais réalise à l’occasion. C’est ainsi qu’il est le cosignataire du premier opus de Warren Beatty derrière la caméra, Le ciel peut attendre. Fidèle à l’interprète de Clyde Barrow dans Bonnie and Clyde, notre homme a mis un terme à sa carrière de scénariste avec Potins mondains et amnésies partielles, qui a longtemps semblé être également le chant du cygne de Warren Beatty. Entre temps Buck Henry a écrit les scripts du Lauréat, de Catch 22 ou d’Une étoile est né, qui tous trois chatouillent l’Amérique bien-pensante là où ça la démange. Sans oublier celui de Is there sex after death. Le film n’est pas sorti en France, mais reconnaissons que c’est une sacrée bonne question.

Le personnage qu’incarne Nicole Kidman est singulier dans l’univers de Van Sant : elle n’a aucun état d’âme. Son comportement est sans doute monstrueux, et elle n’est pas la seule, mais elle se comporte en outre comme si elle était un bulldozer, pour reprendre le qualificatif du patron de la chaîne de télé où elle joue les divas du bulletin météo. De fait cette jeune femme au sourire radieux est tout bonnement incapable de comprendre comment fonctionne le monde réel. Elle est comme une petite sœur de Norma Desmond, la star déchue de Sunset Boulevard, lorsque la police vient l’arrêter. Loin d’y voir la fin de son parcours, elle ne considère que la gloire médiatique que l’événement génère. Mais malgré ses tailleurs rose fuchsia ou jaune canari qui accrochent le regard, le spectateur lui, a perçu que derrière l’image, il n’y avait que du vide.

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