SAFE

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Découvert à Cannes, dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs de 1995, Safe est le deuxième long métrage de Todd Haynes, Californien diplômé en art qui a tourné son premier court à 17 ans. Ses premiers essais témoignent d’un désir de détourner le réel pour l’ouvrir à ses visions fantasmatiques. Comme dans Superstar : the story of Karen Carpenter où il met en scène le destin tragique de la chanteuse en utilisant des poupées Barbie. Grand Prix du jury à Sundance en 1991, Poison son premier long métrage est en fait la réunion de trois sketches inspirées de Jean Genet. Après Safe, il évoquera sa fascination des années 70 et du glam rock dans le fantasmatique Velvet Goldmine, puis il revisitera les mélodrames flamboyants de Douglas Sirk dans Loin du Paradis avant d’explorer les différentes facettes de Bob Dylan dans I’m not There (Prix spécial du jury à Venise en 2007). Le chanteur y est incarné par sept interprètes différents qui ne lui ressemblent pas physiquement.

Egalement dans I'm not there, Julianne Moore avait déjà été dirigée par Todd Haynes dans Loin du paradis et dans Safe. Safe occupe une place privilégiée dans la filmographie de la comédienne puisque c’est le premier où elle interprète le rôle principal. Auparavant, elle s’était fait remarquer en 1993 dans les seconds rôles de deux films qui montrent la diversité de ses goûts : d’un côté, l’adaptation de la série TV Le Fugitif avec Harrison Ford et de l’autre Short Cuts, le film-puzzle de Robert Altman où elle exprimait de manière spectaculaire son désenchantement dans une scène de nudité conjugale.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ROSEMARY'S BABY (il raconte aussi la crise d'une femme au foyer qui bascule entre paranoïa et fantastique) ou encore HAPPINESS (une autre dénonciation de la société américaine produite par Christine Vachon).

En regardant Safe, on ne s’étonne pas que son réalisateur ait tourné un de ses premiers films avec des poupées. Car tout le début de cette histoire d’une housewife vraiment desperate joue sur les apparences parfaites d’une vie aseptisée. Ce que souligne la mise en scène : caméra frontale, géométrie du décor et des cadrages, distance émotionnelle produite par la bande-son et les plans larges. Sans parler du jeu de Julianne Moore qui a perdu 5 kilos pour le rôle et ne semble prendre vie que dans la seconde partie du film. Comme l’a expliqué Todd Haynes "C’est sa maladie qui fait apparaître sa fragilité émotionnelle."

On sait que Haynes, qui est par ailleurs son propre scénariste, a eu l’idée du film en regardant une émission de télévision consacrée à des ménagères qui ne toléraient plus les produits chimiques utilisées au quotidien et qui se retrouvaient à vivre dans des caravanes climatisées. Mais quand le film s’installe dans une colonie new age pour prendre des allures de fable d’anticipation, il autorise toutes les interprétations. De l’avis de Haynes, ce mal du XXème siècle dont souffre l’héroïne est une dénonciation d’une société devenue trop aseptisée mais peut se lire aussi comme une métaphore du sida, jusque dans la stigmatisation de l’exclusion.

Comme tous les autres longs métrages de Todd Haynes, Safe est produit par Christine Vachon, la reine des productions indépendantes américaines avec sa fameuse société Killer Films. Il faut dire qu’après s’être fait remarquer avec une poignée de courts métrages, Vachon a fait ses débuts dans la production de long métrage avec le premier long de Todd Haynes Poison. Parmi ses autres grands succès cinématographiques, il y a Kids, qui a marqué les débuts tonitruants sur grand écran du photographe Larry Clark, Boys Don’t Cry qui a valu l’Oscar de la meilleure actrice à Hilary Swank en 2000 et encore Happiness la comédie au vitriol de Todd Solondz en 1998. Depuis les années 2000, Christine Vachon a étendu ses activités à la télévision où elle s’est notamment illustrée en 2010 en produisant la minisérie Mildred Pierce, avec Kate Winslet.

Carol White, femme au foyer, vit une vie paisible dans sa grande maison luxueuse, auprès de son riche mari, du fils de celui-ci et de ses employés de maison. Ses journées sont bien chargées entre les cours d'aérobic, les déjeuners avec ses amies, la décoration de sa grande ...

Deuxième film que je vois de Todd Haynes après "Loin du paradis", excellent hommage aux mélodrames de Douglas Sirk et un beau portrait de femme où on retrouve la même Julianne Moore dans le rôle principal. Ici on est en 1987, dans une ère déjà très matérialiste à ...

Tout au long de l’exposition de Safe, on se surprend à se dire que Todd Haynes est en train de faire une adaptation de Mme Bovary qui avancerait masquée. Ce portrait des desperate housewives, entre baby shower, salle de gym et salons aux teintes pastels est en tous points ...