SAN ANTONIO

en VOD

36 ans après Sale temps pour les mouches et Béru et ces dames, deux films de Guy Lefranc avec Gérard Barray en San-Antonio et Jean Richard en Bérurier, 23 ans après San-Antonio ne pense qu’à ça, de Joël Séria, avec Philippe Gasté dans le rôle titre et Pierre Doris en fidèle complice, Claude Berri décide de produire une nouvelle aventure de San-Antonio, ce personnage haut en couleur, né en 1949 sous la plume, prolixe, fleurie et acérée, de Frédéric Dard qui devait lui consacrer la plus grande partie de son temps et lui devoir la plus grande partie de sa notoriété.

C’est ainsi que le 21 juillet 2004, sort sur les écrans français le premier film de Frédéric Auburtin, tout simplement intitulé San-Antonio. En fait, après avoir été assistant-réalisateur sur plusieurs films interprétés par Gérard Depardieu, comme les Fugitifs, ou réalisés par Claude Berri, comme Lucie Aubrac, voire interprétés par Depardieu et réalisés par Berri, comme Jean de Florette, Frédéric Auburtin avait, en 1999, coréalisé, avec Depardieu, Un pont entre deux rives, dans lequel Carole Bouquet quittait son mari (Depardieu soi-même) pour un bel ingénieur (Charles Berling). Ce n’est pas tout, en 2003, pour le petit écran cette fois, le cinéaste avait dirigé une nouvelle adaptation de Volpone, avec Gérard Depardieu dans le rôle du levantin créé, 62 ans plus tôt, par Harry Baur.

Le réalisateur retrouve donc, ici, son interprète et ami qui, dans le rôle de l’inénarrable Alexandre-Benoît Bérurier, va donner la réplique à Gérard Lanvin, alias le commissaire Antoine San-Antonio. Les deux hommes s’étaient déjà affrontés, vingt-trois ans plus tôt, en 1981, dans le Choix des Armes d’Alain Corneau, Depardieu en malfrat imprévisible, Lanvin en flic expéditif. Les voici donc, ici, flics l’un et l’autre, menant l’enquête sur la disparition du Président de la République française, rien de moins !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SALE TEMPS POUR LES MOUCHES (1968) (36 ans plus tôt, Gérard Barray est San-Antonio et Jean Richard est Bérurier, dans cette première version des aventures du tonitruant duo.) ou encore HABEMUS PAPAM (2011) (Comme le président de la République de San-Antonio s’est volontairement éloigné de ses fonctions, le futur pape refuse d’endosser sa charge.).

San-Antonio, le film que vous venez de voir, eut une gestation délicate, pour ne pas dire laborieuse ! Tout commence tranquillement dans un douillet chalet fribourgeois, au début de l’année 2000, le jour où Laurent Touil-Tartour – c’est son nom ! –, un jeune homme de 28 ans, modeste auteur de quelques courts métrages et films publicitaire, parvint à convaincre le célébrissime et richissime Franco-Suisse Frédéric Dard (79 ans) de lui céder les droits cinématographiques et télévisuels des 174 San-Antonio, dont il est, à l’époque, l’auteur – une 175e et dernière aventure, intitulée Céréales killer, paraîtra après sa mort, survenue en juin 2000, quelques mois après cette entrevue. Echaudé par les toutes premières et très oubliables adaptations de son œuvre, le romancier fut, dit-on, sensible à la proposition artistique de son jeune interlocuteur. Les romans étant narrés par San-Antonio, lui-même, le jeune homme proposa que les adaptations cinématographiques usassent du même stratagème, laissant ainsi au fameux commissaire le soin de raconter ses aventures, en images. De policier-écrivain, San-Antonio devenait policier-cinéaste.

C’est ainsi que, brûlant la politesse à Bernard Tapie, qui rêvait d’incarner le truculent policier dans une série télé pour TF1, l’heureux détenteur des droits se rapprocha de Claude Berri qui, rondement, mena l’affaire. C’est ainsi que Laurent Touil-Tartour devint scénariste, dialoguiste et réalisateur d’un film produit par Claude Berri et mené par Antoine de Caunes en San-Antonio et Jean-Pierre Castaldi en Bérurier. Avant même que le tournage ne commence, et pour des raisons demeurées obscures, Antoine de Caunes est remplacé par Gérard Depardieu. Mais, bien vite, le duo Depardieu (San-Antonio) / Castaldi (Bérurier), trop proche physiquement, ne fonctionne pas. Le tournage est interrompu, le temps de virer Castaldi, de mettre Depardieu à sa place et d’engager Lanvin à la place de Depardieu, dans le rôle de San-Antonio. Sera également viré Laurent Touil-Tartour, trop souvent en désaccord avec le producteur. Et c’est ainsi que Frédéric Auburtin fut appelé à la rescousse pour tenter de sauver ce qui pouvait être sauvé de cette entreprise qui, par ailleurs, continuait à battre de l’aile. En effet, plusieurs comédiens rendirent leur tablier, dont Marianne James, remplacée par Michèle Bernier dans le rôle de Madame Bérurier. De plus, en raison du décès de Jean Yanne, Robert Hossein fut appelé à la rescousse pour reprendre le rôle du très digne ministre de l’intérieur.

C’est ainsi que, dans l’ambiance que l’on imagine, San-Antonio fut tourné et qu’il fut distribué – sans grand succès, il faut le dire – au cœur de l’été 2004. Il faudra attendre quelques mois, voire quelques années, pour que les langues se délient, en particulier celles de Gérard Lanvin qui, à plusieurs reprises, devant micros et caméras, fit part de sa rancœur à l’égard de Claude Berri qui, disait-il, avait su le trouver pour sauver, in extremis, son film, mais ne sut jamais l’en remercier, une fois le naufrage avéré ! En revanche, le comédien semble avoir apprécié les qualités humaines et professionnelles de Frédéric Auburtin, assez, en tout cas, pour accepter de participer, avec Gérard Jugnot cette fois, à Envoyés très spéciaux, la nouvelle comédie que le cinéaste tourna cinq ans plus tard.

Il fallait oser, ils l'ont fait... Ce film a eu pas mal de mauvaises critiques, mais franchement, j'ai vraiment retrouvé l'esprit des bouquins... Un chef d'oeuvre, surement pas, un bon moment, assurément. ...