SOIRÉE D'ADULTÈRES

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Faute d’un budget confortable, le porno scénarisé en France se construit sur les contraintes. L’unité de temps, de lieu et d’action de Soirées d'adultères n’a rien d’une concession voulue au théâtre classique mais tient aux exigences d’un tournage ultrarapide. Le scénario ne s’adapte pas mais est pensé en fonction des trois unités. Tout se déroule en une nuit, dans une grande maison bourgeoise à étages. L’action est une « Key Party », jeu libertin organisé par le couple de la maison qui en invite 4 autres. L’échangisme est laissé au hasard, dicté par le tirage au sort de clés laissées au préalable dans un vase par chaque couple. Lili, jeune étudiante de 20 ans, est très excitée par cette nouvelle aventure et entraîne quasiment de force son ami Alex. Elle est persuadée que l’expérience sera profitable à son couple.

A l’écriture et à la réalisation, Liza del Sierra, forte d’une riche expérience de porn-star et après avoir déjà signé quelques gonzos rigolos, choisit une comédie hard qui étudie autant la sexualité des femmes que celle des hommes. Son huis-clos libertin permet quelques portraits convaincants, avec une causticité assez inhabituelle. C’est une manière de conte moral rohmérien au royaume de l’échangisme privé.

Après dix années de tournage et une percée aux Etats-Unis, portée par un fort tempérament et passionnée par le sexe, Liza del Sierra s’affirme comme une réalisatrice qui filme des séquences intenses. Les actrices sont bien mises en valeur, notamment dans un triolisme au féminin dans une baignoire. Et la scène entre Bruno SX et Tiffany Doll, prise sans ménagement, jouet docile entre ses bras puissants, dans un climat étrange, est une merveille. Déchirant le collant avec les dents, reniflant la culotte puis la glissant dans sa poche, SX est l’ordonnateur fétichiste qui fait un instant basculer la comédie dans une part de folie plus sombre.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver COUPLE LIBÉRÉ CHERCHE COMPAGNE LIBÉRÉE (Porno de Burd Tranbaree [Claude Bernard-Aubert], 1981, dont le scénario proposait déjà une comédie sur l'échangisme.) ou encore INFIDÉLITÉ MODE D'EMPLOI (Porno d'Ovidie, 2010. Autre film réalisé par une femme, abordant, sous l'angle de la comédie de moeurs, des problématiques de couples, de liberté sexuelle, de fidélité.).

Soirées d'adultères est une production Colmax soignée qui avait clôturé en beauté l’année 2013 sur Canal+. Liza del Sierra avait jusqu’alors réalisé pour cette firme des gonzos comme Liza aime les gros seins ou encore Liza aime les brunettes. Si elle cisèle les 5 séquences hard qui construisent son film, elle offre aussi à ses comédiens des rôles complexes.

Physique massif et mature, l’aguerri Bruno SX retrouve ici le type de personnages ambigus que des cinéastes comme Alain Payet et Joe D’Amato lui proposaient dans les années 90. Depuis presque 15 ans dans le métier, Nomi est parfaite en épouse amoureuse mais résignée, le feu sous la glace, sous le vernis des convenances qu’elle fait craquer en se réservant jusqu’à la scène finale.

Tiffany Doll prête son tempérament enjoué à Lili, avide d’expériences mais y apporte une intéressante pointe de suffisance. Reste son jeune partenaire dont la maladresse bressonnienne, surtout quand il se révolte sur les protocoles libertins, est finalement assez réjouissante. Il s’agit de Rick Angel, au parcours atypique. Diplômé de Sciences-Po, il entamait une brillante carrière en politique, cornaqué par Alain Marlaix dont il était le conseiller, avant que sa ministre de tutelle, Michèle Alliot-Marie, ne découvre sur son bureau une clé USB contenant quelques pornos qu’il avait tournés pour le plaisir. C’était en 2008. Il rêvait de devenir député et vit tous ses efforts ruinés par un collègue jaloux. Libertin depuis ses 18 ans, il devint alors acteur et producteur porno sous un nom plus approprié, Rick Angel. Il semble donc très difficile, en France, de conjuguer pornographie et politique, mais sa prestation sur le large plan de travail de la cuisine avec Nomi est la preuve éloquente d’une reconversion réussie.