Ainsi s'achève The devil's fire… Mais le feu du diable brûle encore. Il est vrai que par le biais des archives le film de Charles Burnett propose une brochette de musiciens assez exceptionnelle. La génération de Woodstock, celle du rock des sixties, est aux anges, puisque nombre de ses idoles sont ici présentes : Jeff Beck, la fine gâchette des Yardbirds, Eric Clapton et Jack Bruce, qui formèrent Cream et portèrent à incandescence le blues électrique, Mick Fleetwood et Peter Green, les deux piliers de Fleetwood Mac première manière, Stevie Winwood, dont la carrière traverse quatre décennies de musique rock ou encore John Mayall, le père du blues anglais à qui tous doivent peu ou prou une partie de leur carrière. Curieusement tous sont britanniques, comme si la présence de musiciens américains avait gâché la fête. Alors que Canned Heat ou Jimi Hendrix n'auraient pas déparé dans cet aréopage, tant s'en faut. Mais la part belle est bien sûr laissée aux bluesmen américains de la génération qui a précédé : les Big Bill Broonzy, les Ray Charles, les Willie Dixon, les Fats Domino, les John Lee Hooker, les B.B. King, etc. Tous ces noms qui brillent au firmament du genre et que les rockers ont d'emblée vénérés. Sans oublier Bessie Smith qui revit par l'intermédiaire d'images d'archives. De vielles images puisque celle que l'on nommait l'impératrice du blues, à la voix si puissante et pure, est morte en 1937, à l'âge de 43 ans, dans un accident de voiture... Le film accorde d'ailleurs une place de choix à toutes ces femmes noires qui ont si bien su chanter cette musique de l'âme... Un petit mot sur le réalisateur, Charles Burnett, né en 1944 à Vicksburg dans le Mississippi. Mais sa famille a émigré vers la Californie quand il était enfant et c'est dans le quartier noir de Los Angeles, Watts, qu'il a grandi. Bénéficiant d'une éducation que peu d'enfants noirs ont eu la chance d'avoir à cette époque-là, Burnett s'est retrouvé étudiant à l'université de Californie, en section cinéma. Son troisième film, Killer of sheep (Tueur de moutons) a attiré l'attention avant d'être primé à Berlin. Mais c'est sans doute The glass shield (Le bouclier de verre) qui laisse le plus de traces dans les esprits, traitant de la corruption et du racisme qui gangrènent la police de Los Angeles. Porteur d'une certaine éthique, pensant que le cinéma est un moyen formidable pour parler du monde qui nous entoure, Burrnett est actuellement en préparation d'un film, Red soil, qui dénonce le pillage de l'Afrique... Comme quoi, même quand le blues n'est pas le sujet central de ses films, il en constitue le terreau...