TOMMASO

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De même qu’il y a deux M à Tommaso, il y a deux R à Ferrara, oui Abel Ferrara qui signe le film en 2019. Le nom de code du cinéaste est assez transparent, monsieur Tommaso c’est bien lui. Drogué, alcoolique, confus, en rémission pourtant, dans un cercle vertueux, il vit sa seconde vie à Rome.

A 68 ans c’est, pour le cinéaste un film de résilience, comme on dit de nos jours, où il nous met en scène le multi-addictif anonyme. Presque une thérapie. Bonjour je m’appelle Abel et j’ai pris de tout, tout le temps. Son avatar dans le film est incarné, comme toujours avec brio, par Willem Dafoe, qui fut déjà son Pasolini en 2014. 

Et puis il y a la vraie petite famille: Cristina Chiriac, sa femme, déjà actrice et sa petite fille Anna Ferrara. Le cinéaste met en scène un type qui cherche à écrire un scénario, enseigne, traîne, souffre d’être alors qu’il a été. Mais il vaut mieux être vivant n’est-ce pas Tommaso?

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JOURNAL INTIME DE NANNI MORETTI (1994) (Comédie dramatique en fait, Journal Intime est, comme son titre l'indique, un documentaire du cinéaste sur lui-même. En état de crise morale, puis en phase d'inquiétude face à la maladie, il livre une oeuvre drôle et mélancolique, verbeuse et emphatique, aussi belle que narcissique.) ou encore ANNIE HALL DE WOODY ALLEN (1977) (Certes il n'y a pas la drogue et l'addiction mais il y a le verbe. Dans un des films les plus autobiographique de sa carrière Woody Allen met en scène son couple avec Diane Keaton, ses névroses, leur relation parfois marquée par l'incommunicabilité. Et puis, il y a New York...).

Etre clean, c’est l’ambition aussi familiale et professionnelle qu’hygiéniste de Tommaso. Créer les mécaniques de bonheur qui détournent de la drogue. Enseigner la comédie, faire du sport, promener l’enfant. Mais le cauchemar rôde toujours et l’envie d’en découdre. Ferrara vit depuis 2012 à Rome, dans le même quartier que son meilleur ami Willem Dafoe. C’est leur cinquième film ensemble, ils ont quasiment le même âge, deux sexagénaires qui font de l’Europe une cure. Au passage ils font un sacré clin d’oeil à la carrière de Dafoe. 

On peut parler d’autofiction en effet. C’est la famille de Ferrara, son appartement, son quartier, son métier, etc. Mais c’est surtout un journal de soi filmé en numérique, au plus près par l’opérateur Peter Zeitlinger, en plan-séquence le plus souvent, et au steadycam. Tommaso/Ferrara apprend l’italien, ne comprend pas sa petite fille qui parle volontiers moldave, c’est un film aussi sur le désir d’écouter ce que disent les autres, ces étranges étrangers. Un film encore sur les fantasmes et les obsessions mis en images ou simplement relatés d’un homme qui accepte de porter sa croix.

Au passage on en apprend sur les démons de la création, le mélange entre l’imaginaire et le réel, l’idée qui vient pendant la vaisselle. On en apprend aussi sur la confession d’un ex-junkie. On en apprend sur l’art dramatique lors d’une somptueuse démonstration devant un parterre de jeunes acteurs. On avait aimé le Ferrara plein de poudre à New York. Celui de King of New York, de Bad lieutnant de Nos funérailles. On est séduit par Abel, en rémission à Rome, loin de Caïn.

Rares sont les filmographies aussi égocentrées que celle d’Abel Ferrara. Qui même jusque dans le choix de ses acteurs fétiches, Harvey Keitel tout d’abord puis Christopher Walken et enfin Willem Dafoe, où tous évoquent la même gueule cassée et burinée du cinéaste ...