UN HÉROS COMME TANT D'AUTRES

en VOD

Ce héros, « comme tant d’autres », évoqué dans le titre français de ce 18e long métrage du sexagénaire Norman Jewison, c’est Dwayne Hughes. Au début des années 1960, avec sa femme, Irène, Dwayne Hughes attend son premier enfant. Mais il n’aura pas le temps d’être papa, obligé qu’il est, comme tant d’autres, de participer à la très longue et très meurtrière guerre du Vietnam. Comme tant d’autres, il y perdra la vie, quelque part entre Da-Nang et Saïgon.

Adaptation du premier roman de Bobbie Ann Mason paru en 1985, le film s’ouvre dix-sept ans après la mort du héros, lorsque Samantha, sa fille vivant dans le Kentucky, commence à éprouver le besoin de savoir qui était son père. C’est avec son oncle Emmet, un rescapé du Vietnam, bien esquinté et que l’alcool aide à oublier, qu’elle va entamer sa longue quête.

Emmet, c’est Bruce Willis, qui vient tout juste d’achever la cinquième saison de Clair de lune, et Samantha, c’est la Britannique Emily Lloyd, très récemment révélée dans Too much !, de David Leland et dans Cookie, de Susan Seidelman, face à Peter Falk. A son propos, la presse est élogieuse : « Toujours imprévisible, juste et émouvante », peut-on lire dans la revue Positif, alors que la Revue du cinéma évoque « sa candeur, son innocence, sa sensibilité fébrile et volontaire ». Emily Lloyd fêta ses 18 ans, le dernier jour du tournage !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver RETOUR (1978) (Bob (Bruce Dern) n’est pas mort au Vietnam, mais les conséquences de son retour n’en sont pas moins dramatiques.) ou encore TAXI DRIVER (1976) (Avant Bruce Willis, Robert De Niro avait personnifié le vétéran du Vietnam.).

Sorti à Paris le 14 mars 1990, Un Héros comme tant d’autres fut assez froidement accueilli par la presse française qui y voyait la énième production hollywoodienne consacrée à la guerre du Vietnam. « Avouons-le, nous sommes las de tous ces films américains qui ressassent le Vietnam », écrira Jacques Siclier dans le Monde, alors que Claude Baignères, dans le Figaro, dédie sa chronique à ses rares lecteurs pas encore saturés par ce qu’il nomme « le syndrome vietnamien ». C’est vrai que le film de Norman Jewison débarquait à Paris vingt-deux ans après les Bérets verts de John Wayne – dont on voit d’ailleurs un extrait dans le film –, mais, également, après Retour d’Hal Hashby, Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Full Metal Jacket de Stanley Kubrick, sans oublier Outrages de Brian de Palma, sorti deux mois plus tôt, et Né un 4 juillet d’Oliver Stone, sorti trois semaines plus tôt !

L’indigestion est palpable chez les critiques mais, aussi, chez les spectateurs parisiens, qui ne furent que 369 à se déplacer le jour de sa sortie, contre 1.627 pour Élémentaire, mon cher... Lock Holmes, avec Michael Caine et 8.516 pour Always de Steven Spielberg, tous deux sortis le même jour. Réalisateur canadien, Norman Jewison s’était juré de ne jamais parler de la guerre du Vietnam. Elle faisait partie, disait-il, de sa « relation d’amour-haine avec les Etats-Unis ». Mais la lecture du roman de Bobbie Ann Mason l’émut au point de revenir sur son engagement. Ce qui lui plut dans ce récit c’est que son auteur ne montrait pas la guerre mais les conséquences de la guerre, « au cœur de l’intimité familiale, du souvenir et des sentiments », comme il l’expliqua lui-même, à la sortie du film.

A ceux qui lui reprochèrent de revenir une nouvelle fois sur le sujet, il répondit : « On guérit mieux en se souvenant qu’en oubliant. » De son côté, Bruce Willis qui avait tout juste 20 ans à la chute de Saïgon, en 1975, compara le fardeau des vétérans du Vietnam à un très lourd rocher qu’ils étaient obligés de porter constamment avec eux. « Chaque jour quand j’allais sur le plateau, raconta-t-il, je devais prendre ce rocher, le hisser sur mon dos et, aussi stoïquement que je le pouvais, me dire : voilà mon lot pour aujourd’hui, voilà la croix que j’ai à porter. »