UNE POUR TOUTES

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Tout le monde connaît le côté superstitieux de Claude Lelouch, notamment sa fascination pour le numéro 13, devenu son chiffre fétiche. Il a pour autant choisi une date particulièrement symbolique pour la sortie en salle d'Une pour toutes : le 1er janvier 2000. Une manière évidente de parier sur le siècle qui débutait alors, voire de prendre un virage à cette occasion.

Une pour toutes est clairement un film qui fait le point, ne serait-ce que pour ses personnages principaux, cinq femmes au milieu de la trentaine, cinq copines qui remettent leur vies en question. Elles sont toutes comédiennes amatrices mais leurs carrières ne décollent pas. L'une d'entre elles, hôtesse d'enregistrement du Concorde va vouloir donner un coup de pouce au destin en montant une arnaque pour qu'elles séduisent toutes de riches passagers.

Sommes toutes méconnu dans l'oeuvre de Lelouch, Une pour toutes est pour autant un de ses films les plus singuliers, parce qu'à la fois profondément ludique - tout ici ou presque est lié d'une manière ou d'un autre à l'idée de jeu- et mélancolique, autour d'une génération de femmes qui ne croient plus au prince charmant dans une période où les sentiments ont commencé à devenir une valeur marchande. Une véritable comédie, parmi les plus échevelées de son auteur, mais où cette bande de copines, qui vont d'échec en échec, pleurent souvent. A sa manière, Une pour toutes donnait des indices sur la vision du monde à venir par Lelouch : une époque où les femmes doivent reprendre leur place face aux hommes; s'entraider - le titre fait évidemment référence au Un pour tous, tous pour un des Trois mousquetaires- quitte à prendre, même littéralement, les armes pour ça.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'AVENTURE C'EST L'AVENTURE (En plus d'y être cité nommément, Une pour toutes a des airs de revisite, au féminin, du classique de Lelouch.) ou encore MUSTANG (Un regard sur une bande de filles aux envies d'émancipation...).

En 2000, Claude Lelouch sort d'une décennie de grandes sagas, de fresques ambitieuses, de La belle histoire aux Misérables. Il avait pour autant fini les années 90 avec un retour a des films plus intimistes, renouant avec l'un de ses sujets récurrent, les rapports homme-femme. Jusqu'à annoncer la couleur, dès le titre d'Hommes, femmes, mode d'emploi. Ce film là, suivi d'Hasards ou Coïncidence, semblaient refléter comme une perplexité devant de nouvelles moeurs, de nouveaux codes de séduction.

A ce dyptique au fond rugueux, voire douloureux, Lelouch décidera d'enchaîner avec un film de transition, peut-être de rémission quand il fait un nouvel état des lieux des sentiments mais aussi de ce qui reste la matière première de son cinéma : les comédiens et les femmes.  Une pour toutes est étonnamment ouvert, que ce soit en invitant à son casting beaucoup d'acteurs pour la première fois, d'Anne Parillaud à Olivia Bonamy ou Marianne Denincourt,  de Samy Naceri à Jean-Pierre Marielle. Comme souvent, il y a l'idée d'une véritable troupe, mais cette fois-ci, derrière la comédie, s'esquisse un propos sur ce que veut dire jouer la comédie, à quel point la vie est une scène dont il faut s'emparer.

A plusieurs reprises, L'aventure c'est l'aventure est cité dans Une pour toutes. Il est certain que le côté pied nickelé de cette bande de filles partant le nez au vent sans se soucier des conséquences de leurs actes, rappelle celle d'un des plus grands classiques de Lelouch. Une pour toutes en retrouve la spontanéité tout en féminisant la figure des voyous au grand coeur ou en racontant, et c'est la jolie note amère de ce film, que la plus périlleuse des escroqueries est le trafic des sentiments.

J'ai envie de défendre ce film, non pas que ce soit ce que le réalisateur a fait de mieux, loin de là, mais d'une part j'en ai un peu marre du Lelouch-basching, pratiqué par des gens qui n'ont pas vu ses films, et d'autre part parce que l'oeuvre n'est pas exempte de qualité ...