WANDA

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Ouvrez les guillemets : « Je considère qu’il y a un miracle dans Wanda. D’habitude, il y a une distance entre la représentation et le texte, et le sujet et l’action. Ici, cette distance est complètement annulée, il y a une coincidence immédiate et définitive entre Barbara Loden et Wanda ». Refermons ces guillemets qui ne sont autres que ceux de Marguerite Duras, parlant du film que vous allez découvrir, signé Barbara Loden en 1970.
L’histoire, celle de Wanda donc, mariée à un mineur de fond, maman de deux enfants. Une femme à l’humeur au moins aussi grise que les terrils de Pennsylvanie, au désespoir au moins aussi profond que ces gouffres qui emmène son époux chaque matin vers les profondeurs…Jusqu’au jour où Wanda décide de partir. Elle ne sait pas pour où mais elle sait pourquoi ! Arrivée en ville, sa rencontre avec un gangster va définitivement changer son horizon et son destin…
A vous maintenant de suivre ses pas, avec cette sensation de découvrir une terre quasi inconnue puisque le film est resté inédit en salles en France jusqu’en 2003…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE FACTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS (Suivre ses instincts peut parfois être fatal ou engendrer bien des déboires...Lana Turner et Barbara Loden le découvrent à leurs dépends dans ces deux films qui sont aussi deux tableaux rudes et sans concession des idéaux féminins, avec le crime en toile de fond...) ou encore INTO THE WILD (Tout quitter pour mieux se trouver...Sean Penn comme Barbara Loden filme l'envie d'ailleurs : leurs deux personnages principaux quittent le confort de leur (petite) vie du jour au lendemain.).

Si vous voulez faire votre intéressant(e) dans un dîner un de ces soirs, n’hésitez pas à dire comme ça, négligemment mais surement : « Vous avez vu Wanda » de Barbara Loden ? Moi j’ai adoré ! » : effet garanti ! Non seulement le film a mis 33 ans à trouver une place sur un écran français mais en plus, c’est le seul et unique jamais tourné par cette réalisatrice américaine, qui en est par ailleurs la scénariste et l’actrice principale.  
Un projet qu’elle aura mis une décennie à tourner, malgré tous les efforts, (notamment financiers) de son ex-époux de l’époque, un certain Elia Kazan ! Oui, car Barbara Loden a été la femme du réalisateur maudit de Sur les quais, Un tramway nommé désir et A l’est d’Eden. Elle a même incarné pour lui la femme de Warren Beaty dans un autre des classiques du maître : La fièvre dans le sang en 1961. Mais la jeune femme s’est vite lassée du système hollywoodien. Une machine de guerre  qui avait broyé son mari : accusé de communisme par le redoutable sénateur MacCarthy, Kazan reconnu devant la commission des affaires antiaméricaines ses sympathie passées pour les rouges, dénonçant au passage certains  de ses collègues. Une faute morale considérée comme un crime par le petit monde des grands studios. Elia Kazan traînera jusqu’à la fin de sa carrière le boulet du traître… Son ultime film, Le dernier nabab en 1976 dressait comme par hasard, sous les traits de Robert de Niro, le portrait d’un producteur ambitieux, anéanti et trahi par ceux qu’il avait si bien enrichis…
Barbara Loden elle avait de longue date prise ses distances avec cet univers artificiel : son personnage de Wanda est le miroir de ce qu’elle ressentait à l’époque : un désir irrépressible de liberté. En explorant aussi les thèmes de l’émancipation féminine et du divorce, Wanda est une œuvre moderne, précurseur de ce que sera par exemple le cinéma de John Cassavetes quelques années plus tard…Le festival de Venise lui décernera d’ailleurs son prix international de la critique en 1971.