Maria, une inspectrice sanitaire et Endre, le directeur d'un abattoir travaillent aux angles opposés de l'industrie alimentaire. Ces deux-là se ressemblent pourtant bien plus qu'ils ne le pensent et vont se retrouver connectés par leurs rêves.

Ildiko Enyedi aime se faire croiser les univers parallèles. Beaucoup de ses films s'y consacrent. Dans Mon XX e siècle, elle entremêlait les vies de deux jumelles séparées pendant l'enfance tandis que Freïschutz superposait une histoire au temps présent et une au Moyen âge. Corps et âme renforce ce penchant pour rapprocher deux âmes solitaires qui se découvrent être sœurs.

Cette histoire d'amour contrariée fait écho à une autre splendide romance, tout en palpitante chamade celle d'In the mood for love. Enyedi a d'ailleurs montré à ses deux comédiens le film de Wong Kar Wai pour indiquer comment elle voulait faire battre le cœur de Maria et Endre, les plonger dans une tension amoureuse, où tout se joue sous la surface des rapports, dans la capacité de vaincre ses inhibitions.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver WRISTCUTTERS : A LOVE STORY (Une autre comédie romantique sur des personnages pétris de malaise.) ou encore DREAMSCAPE (Un thriller ou l'on tente de manipuler les rêves.).

En 1989, La planète cinéma découvrait Ildiko Enyedi lorsque son premier long métrage, Mon XX e siècle recevait la Caméra d'or au festival de Cannes. L'enthousiasme général devant ce film promettait une fructueuse carrière à la réalisatrice hongroise. Ses travaux suivants n'auront cependant pas le même retentissement. Quatre films et dix ans plus tard, faute de succès conséquents, Enyedi n'arrive plus à trouver des producteurs et financiers pour mener à bien les suivants.

Il aura fallu dix-huit ans pour qu'elle revienne sur un plateau de cinéma. Non qu'Enyedi ait chômé entre temps (elle est devenue, et restée, enseignante à l'école de cinéma de Budapest, travaillé en télévision pour HBO, planché avec David Bowie sur la mise en scène visuelle d'une de ses tournées). L'idée de réaliser à nouveau ne l'a pas quitté : elle a développé au gré des années cinq longs métrages dont seul Corps et âme a fini par trouver un financement. A la surprise même de l'intéressée, alors que jusque-là ses films avaient vu le jour grâce à des coproductions, celui-ci s'est vu débloquer l'intégralité des fonds nécessaires par les institutions hongroises.

Enyedi n'est pourtant pas allée très loin pour trouver l'inspiration de Corps et âme. Pendant la promotion du film au festival de Berlin 2017, d'où il repartira avec l'Ours d'or, la cinéaste confessait qu'une des sources principales pour Maria, cette jeune femme introvertie avait de nombreux traits de caractères communs avec elle, notamment un sens de l'humour singulier ou une envahissante timidité.  Corps et âme reposant beaucoup sur la philosophie d'Enyedi, estimant que derrière les petits riens se dissimulent souvent une profondeur, que les conversations anodines peuvent être une forme de lien social indispensable, une manière d'exprimer une considération pour les autres ou un besoin d'attention, de réconfort. Elle se manifeste pleinement dans Corps et âme, débordant appel à la chaleur humaine.

Finalement, le film Corps et âme pourrait se résumer à une histoire de contacts. Contact physique, contact social, contact humain, et au bout du compte, quand tout le reste est rejeté, un improbable mais superbe contact onirique. Le film nous présente donc deux personnages ? ...

Tout d'abord, j'ai l'espoir que ce film d'Enyedi Ildikó, bien récompensé à Berlin, permette aux français de découvrir cette cinéaste hongroise pour laquelle j'ai une affection sans limites. Si je prends le temps d'écrire quelques lignes à son propos, c'est bien dans l'idée ...

Le dernier long-métrage de la réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi repose d'abord et avant tout sur une coupure, coupure rejointe et traversée par de nombreuses autres : coupure classique, philosophique, antique, entre le corps et l'âme ; coupure entre le rêve et la réalité ...