LAMB

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Quelque part au milieu de nulle part, un couple élève des ovins. Quand un agneau parait, leur quotidien s’en trouve bouleversé. Dans les paysages sublimes et glacés de l’Islande « Lamb » (Agneau) est un film taiseux qui glisse d’une forme bizarre d’observation réaliste à un univers fantastique particulièrement dérangeant.

C’est un premier film signé par l’islandais Valdimar Johannson, sorti en 2021 après avoir frappé les esprits au festival de Cannes, où il a reçu le « prix de l’originalité » dans la section « Un certain regard ». Du regard il y en a, c’est sûr, dans cette œuvre à la beauté formelle qui joue de l’épure et de l’absence.

La prestation de la Suédoise Noomi Rapace a été partout acclamée, l’actrice, une nouvelle fois, choisissant un rôle à cœur ouvert. Il faudrait citer aussi le moins célèbre Hilmir Snær Guðnason dans le rôle du mari… Et puis l’agneau, on en mangerait si, un peu plus, il ne se mettait à parler.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ISOLATION DE BILLY O'BRIEN (2005) (On savait qu'existaient les vaches à hublots, mais pour le coup, celles d'Isolation ont des mutations pas très agréables pour la paix des étables. Une série Z irlandaise sur les manipulations du génome et la revanche de la nature, tout à fait réjouissante.) ou encore PORCO ROSSO DE HAYAO MIYAZAKI (1992) (Un film d'animation magnifique et solaire où le héros, dans un monde d'humains, est un cochon et un as de l'aviation. On est dans un anthropomorphisme allégorique puisque le personnage hanté par la première guerre mondiale s'est métamorphosé.).

Les anciens évoquaient les « chimères » ces êtres composites, et bien d’entre eux servaient de représentation à des dieux païens. Mais, concernant la métamorphose de l’animal en homme, on évoque, en termes plus savants, la « thériantropie ».  On n’est pas loin de Kafka avec une allégorie sur le deuil, le désir, la réincarnation, sans parler d’une allusion à la transgénie.

On pourrait encore convoquer les légendes rurales de Scandinavie ainsi que la mystique catholique de l’agneau, du berger et du troupeau. Valdimar Jóhannsson, le réalisateur de « Lamb », a passé son enfance dans une ferme islandaise et les hantises du film sont aussi celles de ses peurs primales. Il a effectué sa formation dans l’éphémère « Film factory » basée à Sarajevo, fondée et animée par le cinéaste hongrois Bela Tarr jusqu’en 2017. On ne s’étonnera pas de voir, au générique du film, le nom de son mentor au poste de producteur exécutif.

Par la suite, Johannson a travaillé sur de nombreux blockbusters américains utilisant les somptueux décors de l’Islande : « Prometheus », « Oblivion », « Transformer" ou « Rogue One ». Parallèlement à cette solide expérience, il a signé des courts métrages, avant de se lancer dans la grande aventure du premier film. Son étonnant bébé hybride aura en tout cas fait le tour du monde, lançant une carrière pour le moins intrigante. Nous en bêlons de joie.

Le fantastique repose sur la découverte de l’étrangeté dans un monde rationnel et réaliste : le spectateur n’aura véritablement peur qu’à partir du moment où il pourra mesurer l’écart entre le surnaturel et le monde auquel il est familier, et le malaise à pouvoir ...

Présenté en compétition à Cannes dans la section Un Certain Regard, ce « Lamb » est un petit bijou de maîtrise et de réussite qu’on n’attendait pas. Une sorte de fable fantastique convoquant le rapport entre l’homme et l’animal mais surtout la notion de maternité ...

Les moutons, plus nombreux que les habitants, font partie du décor habituel des films islandais se déroulant en milieu rural. De même qu'en Nouvelle-Zélande (vous vous souvenez de Black Sheep ?), les ovins nourrissent naturellement l'imaginaire des cinéastes, surtout si, comme ...