Merry-go-round, en anglais c’est un carrousel. Le manège a toujours stimulé l’imagination des artistes, au cinéma comme en littérature. Par son rapport à l’enfance, par son mouvement circulaire, par son chatoiement. Rivette est parti de l’idée que deux personnes étaient obligées de faire connaissance puisqu’une troisième, absente, leur avait donné rendez-vous. Une sorte de transitivité sentimentale. Là-dessus aidé par deux scénaristes compagnons de route de la Nouvelle Vague: Eduardo de Gregorio, fidèle de Rivette, et Suzanne Schiffman, qui fut petite main pour François Truffaut, il a concocté un jeu de piste cinématographique jouant avec les intrigues du film noir. N’était-il pas un grand admirateur et un grand spécialiste de Howard Hawks?
Le film fut tourné en 1977 mais dut attendre trois ans avant de connaitre une distribution salle. C’est Maria Schneider qui, ayant rencontré Dalessandro à Rome, le suggéra à Rivette. Le cinéaste avait aimé l’acteur dans la fameuse trilogie de Paul Morrissey « Flesh » « Heat » et « Trash » et il fut ravi de l’embaucher. Il n’allait pas tarir d’éloge à son sujet. En revanche Maria Schneider très déprimée, pour ne pas dire très défoncée à l’époque, lui causa beaucoup de problèmes. Comme il le déclarera plus tard « elle dormait tout le temps ou pas du tout… Toute proportion gardée j’avais l’impression d’être Billy Wilder attendant que Marilyn soit prête sans avoir la certitude qu’elle arrive jamais ». Ironie de l’histoire, on aperçoit Frederic Mitterrand en veston rouge qui, 35 ans plus tard, comme ministre de la culture, décernera à son vieux pote Dallesandro la médaille de chevalier des arts et des lettres.
C’est ainsi : le film, mélancolique, entérine, à sa manière, la fin de la récréation des sixties et seventies. Et l’underground c’est plus ce que c’était.