TRANCHÉES

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Loup Bureau signe son premier long métrage avec Tranchées. Il a passé trois mois à filmer les soldats ukrainiens sur la ligne de front du Donbass pour ce documentaire tourné en 2020. Avant ce film, il a été reporter de guerre et a couvert de nombreux évènements tels que le Printemps arabe en Egypte, la guerre en Syrie et les affrontements entre la Russie et l’Ukraine dans la région du Donbass. Il a travaillé pour la chaîne de télévision TV5 Monde notamment sur une milice kurde dans le nord de la Syrie.

C’est au cours de ce reportage en juillet 2017 que la vie du cinéaste a connu un tournant.  Il a été arrêté par les autorités turques près de la frontière irakienne où il se trouvait pour ce reportage. Accusé de terrorisme, il a été condamné à une peine de vingt-cinq ans de prison après un procès qu’il qualifie de « kafkaïen ». Il a passé cinquante-deux jours dans une prison de haute sécurité avant que les autorités françaises parviennent à obtenir sa libération. Selon lui, cette expérience a conforté son envie de témoigner. 

Il est retourné en Ukraine en 2018 et a commencé à faire des repérages pour ce qui deviendra Tranchées. Il a trouvé des similitudes entre sa propre détention et l’existence des soldats et a compris que le format d’un long métrage allait être nécessaire pour développer l’expérience immersive qu’il comptait faire partager au spectateur. Le cinéma s’est alors imposé comme une évidence pour le réalisateur.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ATLANTIS (Valentyn Vasyanovych signe un film poignant sur le conflit ukrainien et les dégâts qu'il a causé à Marioupol.) ou encore DONBAS (Sergei Lonitza se penche lui aussi sur la guerre du Donbas dans cette oeuvre puissante.).

Pour Tranchées, Loup Bureau a pris le temps de laisser les soldats s’habituer à sa présence et à celle de sa caméra. Il a fini par gagner leur confiance ce qui lui a permis de tourner en toute liberté. Il a très vite compris qu’il n’allait pas s’intéresser uniquement à la violence des affrontements. Le réalisateur a pris le parti de filmer aussi la vie quotidienne de soldats tentant de trouver un équilibre dans le chaos malgré leur peur constante de mourir. Il devait également prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas mettre les soldats en danger.

Le haut commandement ukrainien ignorait tout de son projet de documentaire. C’est grâce à son ami et traducteur Dima, qui avait été soldat dans l’armée ukrainienne en 2014, qu’il a pu s’assurer la collaboration de commandants locaux pour le tournage. Afin de ne pas attirer l’attention sur son travail, il n’avait pas révélé qu’il comptait rester sur place pendant plusieurs mois. Le tournage était éreintant psychologiquement et moralement.

Loup Bureau devait porter un gilet pare-balles de vingt kilos pendant tout le tournage et il devait filmer sans équipe. En découvrant les tranchées en Ukraine, il a fait un parallèle avec la Première Guerre mondiale. Selon ses dires, il a voulu « utiliser l’imaginaire collectif de la tranchée en plongeant le public dans une sortie de limbe temporelle. »  C’est aussi pour cela qu’il a choisi de tourner en noir et blanc et en format 4/3.  Il tenait à filmer à hauteur d’hommes. Le réalisateur est revenu avec soixante-dix heures de rushes. Son souhait était de parler d’une guerre ignorée par les médias. Il estime que les signes annonciateurs que les choses pouvaient dégénérer entre l’Ukraine et la Russie étaient là depuis longtemps mais qu’ils ont été ignorés.

Un dispositif simple mais extrêmement efficace : un caméra, le front, les soldats. Le parti pris du noir et blanc est superbement exploité et permet une alliance rare entre forme et fond. Tout ça pour pour un rendu photo impeccable et un propos sobre, emphatique mais puissant. ...