ANATOMIE D'UNE CHUTE

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Il est rare qu’un film d’auteur emprunte la forme d’un pur thriller et la voie de la chronique judiciaire, conservant sa force jusqu’au bout. C’est le cas de « Anatomie d’une chute », Palme d’Or du Festival de Cannes 2023, signé Justine Triet. La réalisatrice de « Victoria » dresse le portrait d’une famille vivant à la montagne soudainement frappée par un drame : Samuel, le père, meurt en tombant du toit de la maison.  

Meurtre ou suicide ? L’enquête qui s’ouvre va devoir déterminer si son épouse, Sandra est une victime collatérale du drame ou si elle en est l’instigatrice. Leur fils malvoyant, Daniel, âge de 11 ans va devenir la clef de l’affaire. 

Une mise en scène au cordeau, une intrigue implacable et une interprétation magistrale (notamment Sandra Hüller, Swann Arlaud et le jeune Milo Machado Graner), donnent à ce drame intime la dimension d’une tragédie grecque populaire : le film a rassemblé plus d’un million de spectateurs en France à sa sortie. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MON CRIME (L'accusée est-elle bien la coupable ? ET si oui, pourquoi ? François Ozon comme Justine Triet utilisent les codes du polar pour mieux les détourner...) ou encore SAINT OMER (Justine Triet comme Alice Diop tentent de démêler le vrai du faux au cours de scènes de procès techniquement et narrativement impressionnantes...).

Le film de procès est devenu un genre en soi au cinéma. « Anatomie d’une chute » (même si les scènes d’audience n’y font pas tout) s’inscrit dans cette longue et belle lignée, comme récemment aussi « Saint Omer » d’Alice Diop qui retraçait l’histoire vraie de Fabienne Kabou, mère accusée d’infanticide. Si l’on remonte le temps et l’histoire de 7ème art, on trouve trace de grands films dans lesquels les prétoires sont bien plus que des décors.  

Puisque nous évoquions le cinéma français, souvenons-nous de « La vérité » d’Henri-Georges Clouzot, (la aussi basé sur une véritable affaire judiciaire), dans lequel Brigitte Bardot tient sans doute l’un de ses meilleurs rôles, celui d’une femme accusée d’avoir prémédité le meurtre de son amant. Sa défense devant ses juges est un exemple de performance d’actrice... Dossier véritable encore avec « Une intime conviction » d’Antoine Raimbault en 2019 qui tente de dénouer les méandres du cas Jacques Viguier, accusé d’avoir tué sa femme mais peut-être innocent. Olivier Gourmet en ténor du barreau et Marina Foïs en justicière acharnée en sont les têtes d’affiche.  

Parmi les autres films marquants de ce genre judiciaire, on trouve pêle-mêle quelques classiques émérites : « Douze hommes en colère », qui suit les délibérations complexes d’un jury, a même eu les honneurs de la caméra de plusieurs immenses cinéastes. Sidney Lumet, William Friedkin, Nikita Milkalkhov et Franklin J. Schaffner y ont ainsi consacré un de leurs long-métrages !  

Si cette catégorie vous passionne (et il y a de quoi), n’hésitez pas à voir ou revoir « Les accusés » de Jonathan Kaplan avec Jodie Foster, « Des hommes d’honneur » de Rob Reiner avec Tom Cruise, « Erin Brokowitch » de Steven Soderbergh avec Julia Roberts, « Le verdict » de Sidney Lumet, « Music box » de Costa-Gavras ou « Kramer contre Kramer » de Robert Benton en sont des exemples fondateurs. Qu’ils explorent des affaires criminelles, sociétales, historiques ou financières, ces films montrent combien la thématique de la justice possède tous les atours et les attraits du grand spectacle... 

Justine Triet organise toujours son récit autour d’une femme forte : après l’avocate (Victoria) et la psychanalyste ou la cinéaste (Sybil), Anatomie d’une chute met en lumière une auteure à succès, dont le charme et l’aura sont soulignées dès la séquence d’ouverture, ...

Après le ratage de Sibyl, Justine Triet prouve que quand elle pense à donner des personnages vrais, des situations creusées ainsi que sonnant juste et qu'elle a recours au flashback que quand c'est justifié (à une seule reprise, à un moment-clé, en sachant l'arrêter quand ...

Le titre, Anatomie d’une chute, part d’un terme clinique qui n’est pas sans rappeler deux influences : celle de l’autopsie judiciaire entreprise par Otto Preminger (Anatomy of a Murder, 1959) dans le sillage duquel se place le présent long métrage ; celle de l’esthétique ...