LEAVE TO REMAIN

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Premier long métrage de fiction pour le documentariste Bruce Goodison, Leave to Remain joue en permanence entre ces deux mondes. Une manière pour le réalisateur d’atteindre le spectateur, embarqué dans un récit sur le passage à l’âge adulte, à saisir une réalité d’autant plus poignante qu’elle est dans le quotidien de chacun. 

Leave to Remain s’intéresse à trois adolescents qui débarquent à Londres pour demander l’asile. Tous sont issus de pays en guerre ou en souffrance sanitaire et ont quitté leur vie, leur famille et leur passé, pour tenter de se forger un futur. Mais quand Abdul débarque dans la vie d’Omar, celui-ci craint que leur passé commun ne vienne mettre en péril cette quête kafkaïenne.

Porté par le toujours impeccable Toby Jones, le casting est composé de jeunes talents, inconnus du grand public, et pour la plupart immigrés eux-mêmes. Tiré d’histoires réelles, ce premier film naturaliste offre une perspective immersive dans le quotidien cruel de milliers d’immigrants arrivant terrifiés dans un pays qui leur est inconnu, dans l’espoir d’y trouver la paix.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SPARTACUS ET CASSANDRA D'IOANIS NUGUET (La situation d'enfants en situation d'immigration et soumis à des choix d'adultes.) ou encore WELCOME DE PHILIPPE LIORET (Le film traite également du parcours difficile des immigrants mais cette fois d'un point de vue français.).

Si Leave to Remain évoque sans cesse le documentaire, ce n’est pas tellement un hasard. En effet, le réalisateur, Bruce Goodison, dont il s’agit ici de la première fiction, est avant tout un documentariste connu outre-Manche. Il a notamment réalisé Our War, récompensé d’un Bafta en 2012, qui s’intéressait au quotidien des soldats envoyés en Afghanistan. D’ailleurs, la guerre et les conséquences de la guerre font partie de ses sujets de prédilection et Leave to Remain semble en être la quintessence en fiction dans le sens où le long métrage repose à la fois sur du factuel, puisque les histoires des personnages sont tirées de faits réels, et sur la capacité du réalisateur à savoir y amener des personnalités de renom comme ici avec Toby Jones.

Le film se déroule dans un centre d’accueil où, ceux que l’on appelle les MIE en France, à savoir les mineurs isolés étrangers, sont regroupés. Au début du long métrage, on entend Omar, un jeune homme, venu d’Afghanistan à l’âge de 14 ans. Il en a désormais 18 et espère recevoir une permission pour rester au Royaume-Uni et non être renvoyé dans son pays. Pour cela, le carton d’ouverture est particulièrement éloquent, expliquant que un jeune réfugié sur dix finis par obtenir ce précieux sésame. C’est là où le discours du film tient sa pertinence puisque pour être cru, les personnages sont parfois amener à mentir. Ainsi le film s’amuse à brouiller les pistes sur la notion de bien et de mal, ne reste que de jeunes gens traumatisés qu’il faut aider et qui tenteront tout pour être sauvés.

Le film pousse même l’idée du refus du manichéisme encore un peu plus loin avec l’histoire d’Omar et d’Abdul. Tous deux sont issus de la même région d’Afghanistan et leur passé commun peut amener Omar à se voir refuser le sésame qu’il attend depuis quatre ans. Alors la notion de bourreaux ou de victimes s’évanouie un peu au fur et à mesure du long métrage et le réalisateur invite le spectateur à remettre en question les cases qu’il a acquises un peu malgré lui et à ne pas ranger l’avenir d’une personne dans les échos de son passé. Par ailleurs, le titre lui-même est un jeu de mot invitant à la réflexion puisque le mot Leave signifie à la fois « permission » dans ce cas-ci, mais se traduit également par « partir ». Et en effet, peu importe d’où ils viennent ces MIE n’ont eu d’autres choix que de partir pour avoir la permission de rester en vie.