LES AVANTAGES DE VOYAGER EN TRAIN

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En regardant Les Avantages de voyager en train, premier long-métrage d’Aritz Moreno sorti en 2019 en Espagne, on peut se demander pourquoi ce bijou de la comédie noire a mis autant de temps à traverser les Pyrénées. Passé inaperçu en salles françaises à l’été 2023, le film est un mélange d’humour pince-sans-rire, de gags absurdes et étranges, à la lisière du fantastique. Un cinéma qui a pour modèle le maître ibérique du surréalisme Luis Buñuel, et les films à sketches comme Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifrón.  

Adapté du roman longtemps réputé inadaptable De l’avantage de voyager en train d’Antonio Orejudo Utrilla, le film d’Aritz Moreno pioche dans quelques-uns de ses récits pour les imbriquer les uns les autres, sous une forme gigogne. Des personnages psychologiquement instables se racontent des histoires horribles, terrifiantes et paranoïaques, dont on ne sait jamais complètement si elles sont vraies ou bien s’il s’agit d’un tissu de mensonge. La frontière entre le réel et l’imaginaire est ténue et le film épouse la tonalité d’un cauchemar de schizophrène. 

Un film fou sur des fous. A moins qu’il ne s’agisse de gens normaux, plongés dans un monde qui a sombré dans la folie. Au spectateur de juger de ces trois histoires, et de se fonder ses propres théories. Attention à ne pas devenir fou soi-même. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver THE VOICES (Une comédie noire et gore avec un personnage schizophrène, accessoirement tueur en série) ou encore FUMER FAIT TOUSSER (Des personnages se racontent des histoires qui ont un impact sur l'histoire principale).

On ne revient pas totalement indemne des Avantages de voyager en train. Son univers où les habitants auraient tous sombré dans les pulsions les plus viles et les plus crades – zoophilie, coprophagie, pédophilie – est l’un des plus terrifiants qui soit.  Aritz  Moreno part d’une forme de réalisme psychologique, presque scientifique, pour mieux mener le spectateur du bout du nez, le tromper, le lancer sur des fausses pistes, et le rendre fou. Le film est un des rares cas d’hypnose cinématographique, dont le réalisateur serait le savant fou. 

Aritz Moreno fait toutefois preuve d’un vrai talent de metteur en scène. Image léchée, cadres glaçants, lumière inquiétante, tout l’attirail d’un cinéaste sûr de sa force, qui passe aisément du rire à l’effroi, du malaise à la confusion. S’il y a trois trames principales dans Les Avantages de voyager en train, on a l’impression qu’elles se multiplient au fur et à mesure des retournements de situation et des digressions, jusqu’au retour dans la dernière scène d’un personnage présenté auparavant comme fictif. 

Le jeu sur la fiction et la réalité auquel s’adonne Les Avantages de voyager en train est un lieu commun du cinéma, mais Aritz Moreno rappelle à quel point il n’est jamais éloigné de ce qui se passe dans la tête d’un schizophrène. Ce dernier confond le monde réel et le fantasme, prends différentes identités par un effet de dédoublement de personnalité et se raconte des histoires. De là à croire que le cinéma est un art de fou, il n’y a qu’un pas que franchit allègrement le cinéaste. 

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