On connait le Michel Leclerc, accompagné comme toujours de sa comparse Baya Kasmi, en fervent interrogateur des questions sociales. Ce qu’on sait moins c’est que l’homme a toujours eu la musique dans la peau. Si dans Les goûts et les couleurs, il retrouve ses sujets de prédilection comme le rapport aux classes sociales, l’héritage familial et la comédie romantique, Michel Leclerc y inclut cette fois cette passion pour le 4e art. Plus jeune, il avait même composé une centaine de chansons et fait partie de plusieurs groupes. D’ailleurs pour ce film, il a écrit et participé à la composition de l’ensemble des chansons. Et selon lui, la musique est un très bon marqueur social qui permet également une mobilité d’une classe à l’autre. C’est à la fois un déterminateur et un facilitateur.
Mais cette histoire d’héritage musical, autour duquel s’affrontent et se rencontrent les personnages de Félix Moati et Rebecca Marder, est venue à Michel Leclerc par sa coiffeuse. En effet, ce dernier l’a rencontré à un moment plutôt vertigineux de sa vie. Cette dernière était devenue amie avec son voisin, le parolier et scénariste André Hornez. A son décès, il lui a légué toute son œuvre, soit des centaines de chansons, dont beaucoup de standards de l’époque. La femme était un peu dépassée par une telle responsabilité qui lui incombait soudainement. Un tel héritage pouvait lui changer la vie mais elle avait également peur de mal faire car elle ne connaissait rien à ce monde. Un peu comme Anthony le personnage de Félix Moati qui, au début, était réticent à garder cet héritage jusqu’à ce qu’il y voit son avantage.
Pour le personnage de Daredjane, celle dont Anthony et Marcia héritent d’une façon ou d’une autre, le réalisateur s’est inspiré de chanteuse comme comme Brigitte Fontaine, Catherine Ringer et Patti Smith. Mais il voulait que Daredjane ait son identité propre, sa véracité, qui passe par des détails comme le fait qu’elle soit toujours habillée en vert, comme Barbara était en noir par exemple. Ce vert qui rappelle aussi le footballeur Dominique Rocheteau surnommé « L’ange vert », avec lequel le réalisateur lui a inventé une histoire d’amour. Michel Leclerc lui a créé de toutes pièces une carrière fictive, qu’il détaille en interview : « Daredjane est devenue une vieille rockeuse qui jure un peu avec notre époque mais musicalement, elle a eu une carrière à la Gainsbourg, qui a changé de style au cours des époques. Quand elle débute à la fin des années 60, elle a un côté chanteuse Rive Gauche très timide, qui chante des chansons à texte avec un quatuor à cordes. A mesure qu’on avance dans le temps, elle devient hyper rock, complètement déjantée, très provocatrice ». Il est allé jusqu’à lui inventer des fausses images d’archive. Daredjane s’avère plus vraie que nature.