AND NOW... LADIES AND GENTLEMEN

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Pour être un cinéaste des plus prolifiques, Claude Lelouch n’en revient pas moins encore et toujours à ses premières amours, les histoires d’amour justement. Le signataire d’Un homme et une femme est effectivement un obsédé des sentiments, qui n’a jamais cessé de traquer ce vertige qui parfois naît lorsque deux êtres se rencontrent. Ce qui est le cas de Valentin, gentleman-cambrioleur de son état, et de Jane, chanteuse en perdition, que le destin réunit ici.

Le cadre du film est marocain. Sans doute le cinéaste connaît-il la photogénie des lieux. Mais les voyages ont également la vertu de placer les personnages dans un environnement protégé où les sentiments vont pouvoir se lâcher à la barbe des conventions sociales. Voyager c’est aussi se perdre, pour mieux se retrouver. Et puis la terre marocaine permet in fine des développements mystiques dont Lelouch est friand et qui trouveront leur apogée dans Un + une.

Pour jouer le personnage d’une chanteuse, le cinéaste avait besoin d’une chanteuse. Il a persuadé Patricia Kaas de franchir le pas. Sa carrière de comédienne ne décollera pas pour autant : un seul film, dix ans plus tard, l’assez obscur Assassinée, de Thierry Binisti. Mais le film de Lelouch aura des répercussions sur sa carrière musicale. Avec la sortie d’un CD justement titré Piano bar, puis la décision de Kaas d’assumer plus largement l’héritage de Piaf. Chanteuse à laquelle Lelouch a justement consacré un film…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA MAIN AU COLLET (Une autre histoire d'amour entre un gentleman-cambrioleur et une jeune femme paumée.) ou encore UN + UNE (C'est aussi un film de Lelouch, avec idylle, maux de tête et guérisseuse.).

Les idées des films de Lelouch proviennent le plus souvent de ses souvenirs. Le point de départ de And now ladies and gentlemen est romanesque, et même hautement improbable, mais le cinéaste assure qu’il est authentique. Le personnage interprété par Jeremy Irons est en effet le reflet d’un escroc qui un jour s’est pointé aux Films 13 pour rembourser l’argent volé quelques années plus tôt dans le coffre-fort de la maison de production. Car il s’était promis à lui-même de retrouver les chemins de l’honnêteté et de rembourser tous ses créanciers s’il parvenait à vaincre un cancer. Ce qu’il avait fait.

Claude Lelouch a toujours été séduit par les escrocs et autres Pieds nickelés. On se souvient de la bande d’affreux jojos de L’aventure, c’est l’aventure. Mais il n’aime pas la violence. Pour lui, c’est la ruse qui a toutes les vertus. Celle de Lino Ventura qui se grime et rend plusieurs visites à sa victime, un bijoutier cannois, dans La Bonne Année en est un peu un modèle. Le personnage qu’incarne Jeremy Irons fait clairement partie de la bande, qui se joue de la naïveté de ses victimes et ne déleste que ceux qui peuvent se le permettre.

And now ladies and gentlemen ne passe pas comme étant l’un des chefs d’œuvre de Lelouch, mais c’est un film plein de charme, qui mélange les axes et brouille les genres, du polar à la comédie, en passant par la romance. Un film qui multiplie ces fameuses figures libres qui régalent tant le cinéaste, ces scènes où il peut laisser libre cours tant à sa fantaisie qu’à sa mélancolie. Remarquons en passant la peur récurrente de la maladie : la tumeur dont souffre Jeremy Irons est celle de Tapie dans Hommes femmes, mode d’emploi ou de Dujardin dans Un + une. Mais le film vaut aussi bien sûr, par son casting. Qui faillit ne pas être celui-là. Mais Dustin Hoffman et Barbra Streisand étaient des comédiens trop hollywoodiens pour se plier à la méthode Lelouch. Tant pis, tant mieux, on ne saura jamais…