CHER FRANGIN

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6 ans après son premier film VIVE LA SOCIALE, Gérard Mordillat retrouve le même quartier de Ménilmontant pour y inscrire le point de départ de sa vision de la guerre d’Algérie. 

L’action se situe en 1959, à une époque où deux frères sont encore très liés par leur passion pour le cinéma. Lorsque l’aîné apprend que sa fiancée est enceinte, il reçoit en même temps sa convocation pour son service militaire en Algérie, qu’il essaie d’éviter, sans succès. Dans la deuxième partie du film, il assiste aux horreurs de la guerre dont il témoigne à travers sa correspondance régulière avec son jeune frère. 

Sans prendre parti pour l’un ou l’autre camp qu’il condamne indistinctement, Gérard Mordillat dénonce la logique de guerre, mais il est surtout à l’aise dans l’évocation de la vie du quartier où il a vécu, et auquel il apporte une touche autobiographique évidente. Les interprètes jouent l’époque avec beaucoup de naturel, particulièrement Julie Jézéquel dans le rôle de la fiancée, sans oublier Marius Colucci, le fils de Coluche, dans le rôle du jeune frangin.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver VIVE LA SOCIALE (Même parcours d'un personnage à la fois indépendant et déterminé par son milieu social.) ou encore AVOIR VINGT ANS DANS LES AURÈS (Même histoire de Français embrigadés malgré eux dans une guerre qui ne les concerne pas.).

Passionné de littérature et de cinéma, Gérard Mordillat a débuté comme journaliste à Libération, où il tenait la rubrique littéraire, avant d’écrire son premier roman VIVE LA SOCIALE qui raconte l’histoire d’un jeune adulte dont le père est communiste et la mère anarchiste. Deux ans après sa parution, Mordillat adapte son roman à l’écran, avec l’aide de Jacques Audiard pour l’écriture du scénario. 6 ans et deux longs métrages (BILLY ZE KICK et FUCKING FERNAND) plus tard, le cinéaste revient sur les lieux de son enfance avec CHER FRANGIN, qu’il a choisi de situer dans la cité HBM 140 Ménilmontant. 

Entretemps, il a senti beaucoup de changements : « Quant on a tourné VIVE LA SOCIALE, dit-il, c’était toujours cette espèce d’incroyable cité avec une population très accueillante. Quand on a tourné CHER FRANGIN, ça avait sérieusement changé parce qu’à ce moment-là, il y avait du trafic de drogue, et ça dérangeait . » Ses personnages vivent comme lui à leur âge, à deux dans une même chambre. Dans QUARTIERS DE NOBLESSE, un livre qu’il a écrit sur  le 20e arrondissement, il évoque l’appartement familial qu’il habitait au 222 rue des Pyrénées : « Du deux-pièces où nous perchions, mon père, ma mère, mon frère et moi, nous pouvions voir à droite le Sacré-cœur, et à gauche le rocher du zoo de Vincennes, et en nous penchant chez la voisine, la tour Eiffel. »  

De son enfance, il a gardé le sens de la bande, et dans sa vie professionnelle, il aime travailler avec les mêmes équipes. Dans CHER FRANGIN, Le cinéaste a fait appel à Yves Robert qui avait déjà joué dans VIVE LA SOCIALE, pour jouer ici le patron imprimeur. Incidemment, Yves Robert a  travaillé comme imprimeur à une époque où on composait encore avec du plomb. Le cinéma qui sert plusieurs fois de décor est Le Trianon, situé à Romainville en Seine St Denis. Un modèle typique d’architecture Art-déco, il a été gravement abîmé pendant la deuxième Guerre Mondiale, avant d’être reconstruit en 1953, et classé à l’inventaire des monuments historiques.  S’il a l’air familier, c’est parce qu’il a servi de décor pendant de nombreuses années à L’émission La dernière séance d’Eddy Mitchell, un autre enfant du 20e, mais de Belleville.