LA BONNE ANNÉE

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Quand on prépare le casse le plus intelligent du siècle chez un maître bijoutier de la Croisette à Cannes, il faut se méfier de ne pas tomber amoureux d’une voisine. La bonne année à la fois romance et comédie est encore toute imprégnée de l’optimisme sixties de Claude Lelouch. Sorti le 13 avril 1973 c’est dans l’œuvre colossale du maître une de ces partitions légères à qui le temps a donné de la gravité. Comme toujours entre les mains de Lelouch les grands comédiens jouent comme des stradivarius: Lino et Françoise Fabian bien sûr duo de cœur. Mais aussi les seconds couteaux et les amis inattendus : Charles Gérard, André Falcon et la photographe Bettina Rheims. Et tout ça sous le soleil exactement.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MON AMI LE TUEUR DE JONATHAN LYNN (2000) (Bruce Willis en tueur de la mafia s'installe dans un quartier paisible et résidentiel. Un souci de plus pour son voisin hypocondriaque et dépressif. Il va y avoir des problèmes de voisinage, de bruit et d'odeur...) ou encore LA CITÉ DE LA PEUR DE ALAIN BERBÉRIAN (Le film de Les Nuls! C'est la grande époque où ils écument le festival de Cannes. Une bonne opportunité pour railler la Croisette, ses moeurs, ses habitants, son côté pompeux.).

La bonne année est un de ces films de Lelouch marqué par les gangsters libertaires des années 60. Lino Ventura, déjà, dans L’aventure c’est l’aventure, cherchait à élever sa condition en pratiquant une délinquance créative, alternative et même poétique. Cette fois le malfrat a du cœur, de l’intelligence et une réelle volonté de devenir un artiste dans sa partie. Mais c’est aussi un film sur le choc des cultures bien plus que sur la lutte des classes.
Lino, le plus français des acteurs italiens, à peine terminé L’aventure c'est l’aventure, enchaine donc sur un nouveau Lelouch. Sur le canevas de la bourgeoise et du voyou, le grand Claude s’amuse devant et derrière la caméra, faisant financer son film (en partie) par le placement de produit et, bien sûr, les riches joaillers Van Cleef et Arpels. Au passage, il flingue dans une scène de réveillon d’anthologie quelques critiques qui l’avaient égratigné du temps de Un homme et une femme sacré sur cette même Croisette, devenue décor de film. Et se paie l’intelligentsia bourgeoise "révolutionnaire" et son cynisme. Du coup on ne peut s’empêcher de voir dans ce casse situé à Cannes une allégorie du jeune Lelouch faisant un hold up avec sa palme d’or en 1966.
Le film a la saveur de ce second degré et le côté revanchard du grand Claude qui a connu tant de vaches maigres avant d’exploser dans le temple du cinéma et se faire sans cesse étriller par la critique. La bande-annonce de La bonne année d’ailleurs présentera une compilation film par film de l’œuvre de Lelouch, sans complaisance, avec à la fin la déclaration d’intention d’un artiste qui revendique de toujours apprendre. Et il n’a toujours pas fini.

Attention, film allergique aux esthètes : oui, La Bonne Année, un peu trop long, un peu bancal, et bizarrement monté. L’alternance entre le noir et blanc et la couleur, l’introduction de séquences rêvées, et le cœur du film constitué d’un seul et unique flashback ...

Je confesse un absolu manque d'objectivité quant aux oeuvres de Claude Lelouch qui m'ont ou transcendée (Roman de gare, Un+une, Itinéraire d'un enfant gâté) ou pour le moins charmée (Un homme et une femme, Salaud on t'aime). Je me suis plongée hier soir avec délice ...

Il y a des films à la délicatesse revendiquée, lourde et poisseuse qui sont moins fins, légers et délicats que ce polar. Mais c'est aussi un film parfois féroce ou drôle. J'aime beaucoup cette façon de filmer sans artifice qui met en avant le jeu des acteurs dirigés ...