LE MARI DE LA COIFFEUSE

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Patrice Leconte vient de signer deux succès public et critique, Tandem et Monsieur Hire, quand Thierry De Ganay, lui annonce qu’il voudrait se lancer dans la production de long métrage avec lui. Les deux hommes se connaissent bien parce que Leconte a réalisé des dizaines de spots publicitaires produits par De Ganay, qui s’emballe pour l’esquisse de projet du cinéaste : un jeune garçon, marqué par le shampooing et la coupe de cheveux que lui a administré une coiffeuse, décide d’en épouser une plus tard.

L’enthousiasme de son producteur contraint alors Leconte à développer son idée afin d’en tirer un vrai scénario. Pour cela il fait appel au romancier Claude Klotz, alias Patrick Cauvin, à qui il propose d’écrire en toute liberté un récit sur les thèmes retenus, en se réservant la possibilité de recomposer l’ensemble à sa guise. Leconte racontera plus tard qu’il a gardé l’évocation des quelques clients qui défilent dans le salon, mais qu’il a rajouté une sensualité absente du livre de Klotz.

Cette sensualité relève totalement de la tricherie cinématographique car les deux interprètes principaux ne se sont pas bien entendus sur le plateau. Jean Rochefort, que Leconte retrouvait après une expérience catastrophique sur son premier film Les Vécés étaient fermés de l’intérieur et le tournage idyllique de Tandem, répugnait à jouer les caresses les plus pudiques. De son côté Anna Galiena, une Italienne alors peu connue, que Leconte avait tout de suite identifiée à son fantasme de coiffeuse, était frustrée de ne pouvoir échanger avec son partenaire en dehors des prises.

La magie du cinéma et la sensualité de l’art de Leconte qui sait rendre érotique un frôlement de main ou le froissement d’un peignoir en satin ont fait le reste. Le Mari de la coiffeuse a obtenu, ex-aequo avec Le Petit Criminel de Jacques Doillon, le Prix Louis-Delluc en 1990.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DERNIER TANGO À PARIS (Une autre histoire d’amour à mort d’un couple qui vit sa relation en huis clos) ou encore LE ZÈBRE (Une autre production de Thierry de Ganay qui relate l’histoire d'un couple qui veut fuir la routine).

Même s’il se reconnaît dans les sentiments de son protagoniste, Patrice Leconte se défend d’avoir fait œuvre autobiographique. Seul l’épisode du maillot de bain en tricot avec ses embarrassants pompons serait authentique.

Pour le décor du salon de coiffure, il avait d’abord pensé réaménager une boutique désaffectée. Mais après des repérages infructueux dans le sud de la France, son fidèle décorateur Ivan Maussion l’a convaincu de tout reconstruire en studio. Y compris la rue devant le salon. Ce qui évitait tous les soucis de circulation et de tournage en ville. La seule condition émise par Leconte était d’avoir un décor en dur qu’il pourrait filmer comme un lieu authentique. Avec l’avantage de l’avoir aménagé exactement comme il le souhaitait.

Traumatisé par l’expérience de Monsieur Hire, où il estimait avoir trop préparé son découpage, Leconte s’est laissé une grande marge de liberté pour sa mise en scène. Chaque matin, il  s’installait dans son décor avec ses comédiens et cherchait ses angles de caméra en fonction de leurs propositions de jeu. Comme souvent, c’est Leconte lui-même qui a été son cadreur, assurant ainsi un lien très fort avec ses interprètes.

Comme pour Monsieur Hire, il a fait appel pour la musique à Michael Nyman, le compositeur attitré de Peter Greenaway. Mais ce qu’on retient surtout de la bande originale du film, ce sont les danses orientales pour lesquelles Jean Rochefort a imaginé lui-même ses chorégraphies. D’après Leconte, il les élaborait et les répétait dans sa loge de manière à ce qu’elles puissent être tournées en une seule prise devant une équipe émerveillée.

Pour la lumière, Leconte a fait appel à Eduardo Serra qu’il retrouvera sur ses films suivants. Leur grande idée était de filmer ce huis clos intimiste sur toute la largeur de l’écran scope, avec la lumière la plus réaliste possible. Pour cela, Serra a mis au point un dispositif avec une batterie de projecteurs montée sur un long praticable placé en face du salon. Ces projecteurs pouvaient ainsi être déplacés de manière à traduire la course et la puissance du soleil en fonction des différentes heures du jour et donner l’impression d’un tournage en extérieurs.

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