EN TOUTE INNOCENCE (VERSION RESTAURÉE)

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C’est comme si Alain Jessua s’amusait à chasser sur les terres de Claude Chabrol. Ses bourgeois, plus soucieux de paraître que d’être, s’entredévorent sur l’autel des convenances sociales sans jamais perdre de vue la quête du plus grand profit personnel. Et pourtant, c’est dans l’expression de leur paranoïa et dans leur incapacité à mettre des mots sur leur désir profond que ces personnages deviennent de pures créatures de l’univers si personnel Alain Jessua.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MISERY (Quand une femme tiennent le mauvais rôle ici aussi, le film est souvent particulièrement réussi !) ou encore J'AI ÉPOUSÉ UNE OMBRE (1983) (Parce que Nathalie y trouvait cinq ans plus tôt déjà un très beau rôle de femme à la personnalité trouble).

C’est très intéressant cette manière qu’a Alain Jessua de gâter l’ambiance dans ce film. Le plan d’ouverture nous montre la rivière paisible qui borde le domaine, quand bientôt c’est dans l’eau que se jouera par deux fois le drame familial. L’histoire prend en prime un tour hitchcockien lorsque le personnage de Serrault devient le voyeur qu’on ne saurait prendre, par ennui - comme James Stewart dans Fenêtre sur cour - mais tout autant par jalousie. Car au fond, la femme de son fils exerce un sentiment d’attraction/haine sur lui qui est le moteur de son action. Et vice versa.

L’année de la sortie du film, Nathalie Baye, âgée de quarante-ans, a déjà été récompensée de deux César un peu plus tôt : celui du meilleur second rôle féminin en 1982 pour Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre, suivi de celui de la meilleure actrice en 1983 pour La Balance de Bob Swaim. C’est sous la direction de ce même réalisateur que Nathalie Baye avait déjà sidéré le public dans un thriller des plus troubles, J’ai épousé une ombre, où elle tenait déjà un rôle des plus ambigus, en l’occurrence celui d’une femme qui se fait passer pour une autre, disparue dans un accident.

Alain Jessua ne tournait qu’un autre film après celui-ci, neuf ans plus tard : Les couleurs du diable. Il consacrait la suite de sa carrière à l’écriture, signant huit romans. De son oeuvre cinématographique atypique, riche en situations étranges aux confins du fantastique, on retiendra sa vision très noire de la société qu’il avait dépeint avec force dans Traitement de choc (1973) Les Chiens, ou encore Paradis pour tous (le dernier long-métrage de Patrick Dewaere, sorti en 1982). Contemporain de la nouvelle vague, il est régulièrement salué par Martin Scorsese qui considère La vie à l’envers (1964) comme l’une des œuvres qui l’ont le plus considérablement marqué avant de se lancer dans la réalisation.

La tauromachie trouve avec Le Moment de la Vérité son pinacle cinématographique, tourné sans affect et, surtout, sans revers moralisateur. Francesco Rosi mêle ici le vrai et le faux dans cette quasi docu-fiction racontant une histoire inventée même si inspirée du toréador ...