POUR L'ÉTERNITÉ

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Bienvenue dans l’univers poétique et absurde de Roy Andersson. Pour l’Eternité a valu au cinéaste suédois de remporter le Lion d’argent du meilleur réalisateur en 2019. Il y poursuit son exploration de la nature humaine avec ce conte, florilège de saynètes tragi-comiques. Avant ce film, il avait remporté le Lion d’or en 2014 pour Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence qui était le dernier volet d’une trilogie entamée avec Chansons du deuxième étage (1996) et Nous les vivants, (2007).

Les films de Roy Andersson, âgé de près de 80 ans au moment du tournage de Pour l’éternité, ont de nombreux points communs qui leur donnent une belle singularité. Tournés en studio, ils multiplient les plans fixes sur des acteurs volontairement atones dans des lumières blafardes pour souligner l’absurdité de l’existence. Le cinéaste se rit de l’espèce humaine, de ses amours et de ses croyances tout en gardant un fond d’optimisme et une belle dose de bienveillance pour ses personnages surtout quand ils sont jeunes.

Chaque scène est ce que le réalisateur appelle un « plan tableau » car il avoue désirer faire des « films tels qu’on en n’a jamais vus jusqu’à présent ». Sa singularité fascine au gré de plans séquences qui entraînent le spectateur dans un monde unique où l’humour fait bon ménage avec le désespoir. Onirisme et esthétique y sont réunis pour célébrer la beauté et la fragilité de l’être humain.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ERASERHEAD (David Lynch nous entraîne dans un univers absurde et dérangeant qui ne ressemble à aucun autre en faisant montre d'un humour très personnel.) ou encore TREE OF LIFE (Terrence Malick plonge lui aussi le spectateur dans un monde unique et multi-sensoriel.).

Pour l’éternité est la somme de nombreuses influences pour le réalisateur. C’est pour souligner la vulnérabilité de l’existence que Roy Andersson montre son mauvais côté, de façon à créer un contraste qui permet au spectateur de mieux apprécier ce qu’il possède. Il a notamment tiré son inspiration des peintres de la Nouvelle Objectivité (« Neue Sachlichkeit »), un mouvement artistique allemand des années 1920. Il a notamment pensé au tableau Portrait de la journaliste Sylvia von Harden (1926) d’Otto Dix au moment de préparer son film. Il s’est aussi inspiré du Fonctionnalisme suédois, mouvement architectural dont l’esthétique imprègne son film. 

Le réalisateur tenait à la présence d’une narratrice dans Pour l’éternité car il voulait faire référence à Shéhérazade dans Les Mille et une nuits. Il a pensé à Hiroshima mon amour d’Alain Resnais avant d’adopter cette voix-off qui constitue une première dans sa filmographie. Il avait pensé à un homme voire même à sa propre voix pour dire ce texte qui commente l’action. Il a fini par préférer un timbre féminin qui lui semblé plus magique pour commenter ce qui se passe à l’écran. Il imaginait la narratrice comme une fée.  

Roy Andersson reconnait volontiers avoir été impressionné par des cinéastes comme Milos Forman et Jiri Menzel lorsqu’il était plus jeune. Il appréciait leur façon de montrer des personnages un peu perdus ce qu’il a tenté de reproduire dans des saynètes cocasses. Une grande partie du film a été tournée en studio. Seule la scène avec l’armée allemande en marche a été filmée en extérieur en Norvège. Il reconnaît que la scène la plus difficile à créer a été celle du couple volant. Il a notamment fallu plus d’un mois pour construire la maquette de la ville de Cologne. La cathédrale faisait cinquante centimètres de haut. Bien qu’il évoque la guerre dans cette séquence, le cinéaste souhaite que son film demeure intemporel. Il voulait montrer que, même si les époques changent, les humains restent assez semblables. Selon ses dires, l’éternité qu’évoque le film n’est celle de l’espace sans fin mais celle des « signes de l’existence et de l’être humain ».

Pour l'éternité est une succession de saynètes à l'esthétique et à la mise en scène peaufinées dont la portée symbolique me semble difficile d'accès. Je dois d'ailleurs avouer que je pense ne pas en avoir saisie l'intégralité. Roy Anderson assume son concept tout au ...

Lorsque l’on admire une peinture, l’esprit humain essaie de recréer ce qui se passe dans la scène. Quel est l’histoire des personnages de la peinture ? Comment se sont-ils retrouvés là ? Pourquoi sont-ils dans cette position ? Pourquoi la lumière est-elle si sombre ? ...

« Si l’homme n’avait pas de conscience éternelle, si au fond de toutes choses, il n’y avait qu’une puissance sauvage et bouillonnante, produisant toutes choses, le grand et le futile, dans le tourbillon d’obscures passions, si le vide sans fond que rien ne peut combler ...