EN FANFARE en VOD
- De
- 2024
- 103 mn



- Comédie
- France
- Tous publics
- VF - HD

PARCE QUE
Le pitch d’En fanfare vient au réalisateur Emmanuel Courcol lors d’une intervention sur le scénario d’un film mettant en scène les majorettes d’une formation musicale de Tourcoing, dans le nord de la France. Le cinéaste caresse l’idée de donner chair à la rencontre entre les registres classique et populaire à travers deux frères issus d’univers en apparence inconciliables. Cet embryon prend vie quelques années plus tard sous la forme d’une histoire « basée sur la construction progressive et chaotique de cette relation fraternelle inattendue », fil rouge de l’œuvre d’un réalisateur travaillé par le déterminisme social. Sur une ligne de crête entre le drame et la comédie, En fanfare profite également de la finesse d’écriture de sa co-scénariste, Irène Muscari, coordinatrice culturelle en milieu carcéral rencontrée sur le tournage du précédent film d’Emmanuel Courcol, Un triomphe.
À la qualité du scénario s’additionne la justesse d’un casting a priori désaccordé. Il n’y a pourtant aucune fausse note dans cette distribution où se croisent des acteurs charriant chacun des univers aux antipodes l’un de l’autre. Si le rôle de Jimmy a été écrit pour Pierre Lottin, pianiste et compositeur autodidacte, le costume de Thibaut n’a pas été taillé sur-mesure pour Benjamin Lavernhe. Sociétaire de la Comédie française, l’acteur, batteur et guitariste à ses heures perdues, investit avec une aisance remarquable son personnage bourgeois un peu tête à claque avec sa « gueule de premier de la classe ». L’alchimie du tandem fonctionne à bloc, chacun jouant sa partition de concert avec son partenaire. Le tempo oscille entre l’allegretto, l’andante et l’adagio.
De la musique avant toute chose. L’art poétique d’En fanfare repose sur l’harmonie des contraires. Épaulé par le compositeur Michel Petrossian, partenaire musical de Robert Guédiguian, Emmanuel Courcol, plus mélomane qu’il ne le croit, greffe des sonorités a priori inaccordables : Beethoven contre Dalida, Aznavour contre Mozart. Et au milieu, Clifford Brown, trompettiste virtuose que chérissent Thibaut et Jimmy. « Entre classique et jazz, ça circule », explique le premier au second. La fanfare ouvrière de Walincourt navigue dans ces eaux-là, passant indifféremment de When the Saints Go Marching In, standard canonisé par Louis Armstrong, au Boléro, dont le tempo a été inspiré à Maurice Ravel par… une usine de l’ouest parisien.
La petite mélodie d’En fanfare naît enfin d’une double fracture. Sociale, d’abord. Emmanuel Courcol plante sa caméra sous le ciel laiteux de Lallaing, près de Douai, région paupérisée par les vagues successives de délocalisations d’activités industrielles. Ici, une entreprise menacée de liquidation à laquelle Thibaut oppose – en vain - le battement de cœur syncopé du Boléro. Démantèlement aussi d’un patrimoine culturel, la fanfare, tradition séculaire des bassins miniers peu à peu dilapidée par la pénétration de la musique country. Fracture socio-culturelle, ensuite, que les deux frères apprennent à dépasser par-delà les injustices de la naissance. Bâtir des ponts, c’est peut-être là le plus bel accomplissement de cet anti-feel-good movie à fleur de peau.










