L'ENFANCE DE L'ART

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Francis Girod avait plusieurs casquettes. En plus de celle de cinéaste, il fut au début des années 80 professeur au conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris. Enthousiasmé par une des classes, il décide de célébrer en 1986 leur dernière année d'études avec un projet singulier : un film qui suivrait les premiers pas d'élèves dans le grand bain, interprétés par ceux a qui il a enseigné pendant trois ans. 

L'enfance de l'art joue donc sur les ressorts de la fiction et de la réalité autour des rêves et désillusions d'apprentis comédiens, lève le rideau sur les amitiés, les amours et les rivalités qui animent une classe, pendant que se jouent leurs futurs, professionnel et amoureux. Girod s'essayant à filmer le rêve de réussir sa vie, sur scène ou en dehors.

L'enfance de l'art  ne le ménage pas forcément, est parfois vachard avec ses personnages, mais c'est pourtant la tendresse du regard d'un professeur sur les talents qu'il a couvés qui rend chaleureuse cette chronique d'une jeune génération au moment de son envol.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ENTRÉE DES ARTISTES (Parce qu'avant-guerre Marc Allégret s'intéressait déjà à la formation des élèves du Conservatoire d'art dramatique et à leurs intrigues amoureuses.) ou encore ISABELLE EBERHARDT (Marie, l'héroïne de "L'Enfance de l'art", quitte le Conservatoire pour tourner dans un biopic d'Isabelle Eberhardt. Quelques années plus tard, c'est Mathilda May qui interprète l'écrivain aventurière.).

Le modèle avoué de L'enfance de l'art est Entrée des artistes, le classique de Marc Allégret s'attachant à trois élèves du conservatoire, dans les années 30. Pour mettre à jour leurs chassés croisés, Francis Girod fait appel à un romancier Yves Dangerfield, qui s'avère être le pseudonyme d'un de ses étudiants. Le film d'Allégret entremêlait les marivaudages, L'enfance de l'art s'orientera plus vers la comédie de mœurs, tout en glissant  quelques piques contre un monde du cinéma toujours en quête de chair fraîche, via un  réalisateur faisant miroiter monts et merveille à une actrice débutante. Girod ne manquant pas au passage d'épingler, ses propres collègues, en donnant à ce personnage le nom de Luc Ferrand, soit celui que portait François Truffaut dans La nuit américaine... 

Si L'enfance de l'art est donc né d'une envie de chaperonner un groupe d'acteurs inconnus du grand public, Girod a conservé une habitude : réunir sous sa caméra comédiens plus que confirmés avec des débutants. Après Evelyne Bouix face à Michel Piccoli dans René La Canne ou Souad Amidou aux côtés de Gérard Depardieu dans Le Grand Frère, il l'inverse en plongeant André Dussollier, seul acteur chevronné du casting, qui interprète Ferrand, parmi sa jeune troupe. 

D'autres réalisateurs s'engouffreront dans la brèche avec des initiatives similaires, comme L'âge des possibles ou Pascale Ferran réunira la promotion 1995 des étudiants du TNS de Strasbourg pour se pencher sur une même croisée des chemins. Girod aura tenu son rôle d'accompagnateur jusqu'aux fameuses marches du festival de Cannes ou L'enfance de l'art sera présenté en compétition en 1988. Avec une certaine ironie quand il imaginait dans son film que le film qui lance la carrière d'une des comédiennes est sélectionné... au festival de Venise !