LA COURSE DE BROADWAY BILL

en VOD

Réalisé par Frank Capra en 1934, à la suite de New York Miami, qui reste l'un des archétypes de la comédie américaine de l'âge d'or, cette Course de Broadway Bill est incontestablement une rareté, que les admirateurs de celui qui signa L'Homme de la rue, L'Extravagant Mr. Deeds, Vous ne l'emporterez pas avec vous ou La Vie est belle ne citent pas souvent.

Pourtant deux ans avant que les Marx Brothers n'investissent à leur tour les champs de courses dans leur très célèbre Un jour aux courses, ce film considéré comme mineur constitue à n'en point douter une excellente introduction à l'univers de Capra, mélange d'idéalisme et de cocasserie. Car si le ton est encore celui de la comédie américaine classique, celle des Lubitsch, Cukor ou Hawks, Capra n'hésite pas, en ces années de crise économique, à donner son point de vue sur la façon dont fonctionne le monde. Ce n'est pas un hasard si le héros de sa fable est un doux rêveur qui n'hésite pas à tout envoyer valdinguer, situation professionnelle et mariage confondus pour satisfaire son unique passion, celle des courses de chevaux, quitte à consacrer tout son temps, son énergie et ses très maigres ressources financières à ce Broadway Bill, étalon de talent. En montrant son penchant pour les obscurs, les sans grade, les rêveurs, Capra caresse l'Amérique dans le sens du poil. Il la bichonne, il la bouchonne même en l'occurrence. Pour mieux en exalter les valeurs, celles du rêve américain. Un rêve éveillé pour cet enfant de paysans italiens devenu prince d'Hollywood.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver NEW YORK MIAMI ou encore UN JOUR AUX COURSES .

Pour la petite histoire, Warner Baxter, qui tient le rôle de Dan Brooks, s'était fait engager par Capra en déclarant qu'il adorait les chevaux. En réalité il en avait une peur bleue, ce qui a conduit le réalisateur à renoncer à un certain nombre de scènes où l'homme et la bête auraient communié dans la plus parfaite entente. Ce qui n'empêche pas Warner Baxter de faire montre d'un évident abattage, ce qui n'a rien d'étonnant concernant cet acteur à la distinction proverbiale qui débuta enfant dans le show business le jour où il s'aperçut que l'un des ses voisins avalait contre une pièce les vers de terre et gobait les mouches qui passaient à sa portée. Il décida alors de l'exhiber sous une tente pour un tiers des profits !

Sans doute un peu frustré malgré tout par le prestation du comédien, Capra signera quelque seize ans plus tard un remake du film, Jour de chance, avec Bing Crosby, qui lui n'avait aucune appréhension à l'égard des arts équestres. Ce remake ne bénéficiant pas du budget pourtant assez modeste de La Course de Broadway Bill, Capra devra se résigner à monter les séquences de courses de l'original... Notons que le cinéaste est un habitué des tournages à répétition puisque La Grande dame d'un jour, l'un de ses plus grands succès, réalisé en 1933 avec Bette Davis, débouchera lui aussi 28 ans plus tard sur un succédané, Milliardaire d'un jour. Toujours avec Bette Davis.

Mais il serait injuste de se quitter sans avoir dit quelques mots sur Myrna Loy, l'une des plus grandes stars d'Hollywood, même si son éclat n'a sans doute plus aujourd'hui celui d'une Katherine Hepburn ou d'une Carole Lombard. Myrna Loy est en tous cas l'une des rares à avoir débuté (adolescente) dans des films muets sans que sa carrière ne pâtisse de l'arrivée du parlant. Il est vrai qu'elle n'a alors que 24 ans... Elle en profite pour changer de registre. Elle avait joué les vamps, les femmes fatales, voire les sirènes. Elle incarne désormais les jeunes femmes modernes, affranchies, à l'image de cette Alice de Broadway Bill qui n'hésite guère à courtiser le mari de sa sœur. Mais son plus grand titre de gloire est d'avoir incarné la moitié d'un fameux tandem, aux côtés de William Powell, dans une série de six comédies policières à la suite de L'Introuvable. Une prestation qui lui vaut dès 1936 d'être consacrée « reine du cinéma » par le public. Le « roi » n'étant autre que Clark Gable. Myrna Loy affichera par la suite sa détestation d'Hitler, un féminisme convaincu et une opposition viscérale à la croisade paranoïaque du maccarthysme. Avant de faire ses débuts sur les planches de Broadway à l'âge de 68 ans, montrant ainsi que son amour du jeu ne l'avait jamais quitté. Toutes choses qui ne peuvent que nous la rendre éminemment sympathique...