PROSTITUTION

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Pour Prostitution, réalisé en 1975, Jean-François Davy, qui venait de lancer une série documentaire sur le cinéma porno, a recours à des acteurs pour quelques séquences de passes reconstituées et une rafle de police. Mais la force de son film tient à la multitude des témoignages. Il a recours au procédé du micro-trottoir, révélant des gens du peuple beaucoup plus enclin que leurs élites à défendre la prostitution et donne - pour la première fois peut-être - la parole à des travestis qui tapinent. D’authentiques prostituées surtout s’expriment à visage découvert, décrivent leur métier et leurs clients et dénoncent la répression policière accrue qui visait alors le racolage et la fermeture des hôtels de passe. Certaines prostituées sont alors incarcérées, créant un mouvement de protestation. Sous l’impulsion de Ulla, meneuse des prostituées lyonnaises, des Assises sont créées, un Collectif est fondé, un grand rassemblement a lieu au Palais de la Mutualité, à Paris, couvert par les journalistes, soutenu par des personnalités et le Planning familial. Davy y est présent avec sa caméra, captant pour son film l’ambiance électrique de cet instant historique, « un océan humain déchaîné » comme le décrit l’une des participantes. Au plus près du quotidien de ces femmes, se faisant l’écho de leur revendication politique, son reportage lave soixante-quinze ans de mélos français moralisants, plus aptes à exploiter le cliché de la fille de joie, forcément victime, forcément coupable.

 
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Les premiers documentaires de Jean-François Davy, Exhibition et Les Pornocrates, comportent des séquences sexuelles non simulées et sont classés X. Dépourvu de scènes explicites, Prostitution sort en juin 1976 dans le circuit UGC avec une simple interdiction aux moins de 18 ans. En revanche, probablement à cause de son insuccès, il sera exploité en 1981, remonté avec des inserts hard sous le titre choc de : A prendre par le petit trou.

Si Brigitte, Emma, Jackie, Micheline, Nana et Nicole sont des travailleuses anonymes du sexe, Grisélidis Réal, filmée dans son appartement de la rue Monsieur Le Prince, au milieu de ses amis, est l’une des figures mythiques de la révolte des prostituées. Elle avait commencé dans un bordel clandestin de Munich en 1961, puis continué en Suisse, arrêtant ce métier en 1995 à l’âge de 66 ans. Luttant contre la discrimination et l’exclusion, elle milita toute sa vie pour la reconnaissance et la dignité des prostituées, affirmant que la prostitution était « un Art, un Humanisme et une Science » et pouvait aussi être un choix. Elle écrit son autobiographie en 1974, Le noir est une couleur, et publie Le Carnet de bal d’une courtisane en 2005 peu de temps avant son décès. Péripatéticienne et écrivain étaient les professions qu’elle revendiquait. En esprit libre et subversif, prenant le tournage du documentaire pour une simple plaisanterie, se mettant à danser devant la caméra, elle fait basculer le film de Davy dans une dimension magique.

Fil conducteur du reportage, Claude Janna, prénommée « Eva », avait alors arrêté le trottoir quand elle accepte de raconter et de revivre devant la caméra certains moments de son parcours. Si la reconstitution d’une agression par un client reste éprouvante pour elle, ce tournage lui fait découvrir l’univers du cinéma. Elle va devenir pendant quatre années une hardeuse très sollicitée, tournant dans près de soixante-dix films. Elle oeuvre aussi bien pour les pires productions Europrodis que sous la direction de cinéastes talentueux comme Claude Pierson qui lui offre le rôle principal de La Fièvre dans la peau, Alain Payet, Serge Korber, Gérard Kikoïne, Claude Bernard-Aubert, Michel Caputo ou encore l’Allemand Alan Vydra qui la dirige dans Cris et Suçotements dans l’arrière-boutique d’un libraire.