UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE

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Le réalisateur cambodgien Rithy Panh est surtout connu pour ses documentaires où il témoigne de l’horreur khmère qui a traumatisé sa jeunesse (il a lui-même échappé aux terribles camps de la mort à quinze ans). Notamment S21, la machine de mort Khmère rouge (2004) pour lequel il est revenu dans le principal "bureau de sécurité" du régime où 17 000 prisonniers de tous âges ont été torturés et exécutés, afin d’y rencontrer victimes et anciens bourreaux. Et L’Image manquante (2013) où il utilise des figurines d’argile et des images d’archives pour montrer l’immontrable et reconstituer les atrocités khmères.

Mais il ne faudrait pas oublier que cet ancien étudiant de l’IDHEC, la plus prestigieuse école de cinéma en France à l'époque, s’est aussi illustré dans la fiction. Les Gens de la Rizière et Un soir après la guerre ont tous les deux été sélectionnés au Festival de Cannes. Le premier en compétition officielle en 1994 et le second, en 1998, dans la section Un certain regard. Cette adaptation du roman de Marguerite Duras Un barrage contre le Pacifique n’est donc pas une première dans la fiction pour Rithy Panh.

Avant lui, René Clément, le réalisateur de Jeux interdits, avait déjà adapté ce livre en 1957. Jo Van Fleet, la mère de James Dean dans À l’est d’Eden, y tenait le rôle de Mme Dufresne interprété par Isabelle Huppert dans la version de Pahn, Anthony Perkins (le Norman Bates du Psychose d’Hitchcock) jouait son fils Joseph. Et c’est Silvana Mangano, la très sensuelle révélation de Riz amer de Giuseppe de Santis, en 1949, qui campait sa fille Suzanne, objet de toutes les convoitises.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (La précédente adaptation du roman de Marguerite Duras, par René Clément) ou encore MAN TO MAN (Un autre film contre le colonialisme, inspiré de faits réels, écrit par Michel Fessler, le coscénariste du film de Panh).

Rithy Panh raconte avoir découvert l’univers de Marguerite Duras, à travers Hiroshima mon amour, le film d’Alain Resnais qu’elle avait écrit. Il y a trouvé une sensibilité vis-à-vis de la souffrance et de la guerre proche de la sienne. Mais ce qui l’a décidé à adapter Barrage contre le Pacifique, c’est qu’il a trouvé dans cette œuvre de jeunesse de l’écrivain, une fiction nourrie de la réalité. "Duras a vécu l’histoire du barrage, explique-t-il. Et elle en a fait un roman pour, à travers la fiction, parler de la réalité et lui conférer une portée universelle, accessible à tous."

Pour adapter avec lui ce roman, Rithy Panh a fait appel à Michel Fessler, qui venait de dénoncer d’une autre manière le colonialisme dans Man to Man. Fessler a raconté qu’il avait découvert le roman de Duras à 18 ans et qu’il avait été fondateur de sa passion pour la littérature. "Tout ce qu’il contient m’est familier, a-t-il avoué : l’enfance aux colonies, la passion, l’injustice, l’ennui, la maladie… Jusqu’à l’âge de 12 ans, j’ai grandi en Centrafrique, où j’ai vécu près d’un grand fleuve. Plus tard, j’ai habité au Sénégal, aux portes de la savane. Le soir, après le dîner, mon père militaire évoquait souvent sa guerre d’Indochine. Il parlait de la mousson, des rizières et de l’intelligence du peuple indochinois. J’ai connu et désiré l’Indochine avant de l’avoir vue."

Pendant les repérages, Rithy Panh a découvert près de Ream, dans la province de Kompong Som, l’emplacement idéal pour reconstituer la plantation de l’héroïne. En effet, ce qui paraissait un rêve insensé en 1930 y avait été réalisé. Un polder existait désormais sur le site et la production de riz y était trois fois plus importante que dans les autres rizières de la région. "J’y ai vu un signe, affirme Rithy Panh. Si je n’avais pas pu tourner là, je n’aurais pas fait le film. Sur place, j’ai même rencontré des vieux qui avaient connu Duras jeune. Ce lieu a nourri mon imaginaire, en inscrivant l’histoire dans la symbolique de a résistance et de la transmission. Ce qui par un jeu de correspondance me renvoyait à mon premier film Les Gens de la rizière."