L'AIR DE LA MER REND LIBRE

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Comme tous les genres qui ont fait l’histoire du cinéma, le film social a engendré son propre académisme. En résultent parfois des longs-métrages sans relief qui délaisse la mise en scène au profit d’un discours un peu caricatural. Un piège que Nadir Moknèche contourne avec brio dans L’air de la mer rend libre, son sixième long-métrage. Saïd est un jeune homme homosexuel ; Hadjira, une musulmane devenue très pratiquante après un séjour en prison. Sur le papier, rien ne devrait les unir, mais leurs familles en ont décidé autrement : à la suite d’un mariage arrangé, les voilà tous deux coincés dans le même foyer, chacun avec ses secrets, obligés de trouver un nouvel équilibre.

Au-delà d’un propos politique percutant sur le poids des traditions, L’air de la mer rend libre est une chronique sentimentale des plus touchantes, au filmage discret mais toujours soigné, ponctué de quelques percées d’érotisme, de poésie et d’humour. Malgré la dureté des événements qu’il dépeint, le film ne se débarrasse jamais de son parfum de douce mélancolie.

Nadir Moknèche témoigne ici d’un sens aigu de la direction d’acteurs. Révélée par le Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin, Kenza Fortas livre une prestation sans fausse note qui laisse toujours transparaître un profond désir de liberté. Dans le rôle des parents de Saïd, Saadia Bentaïeb et Zinedine Soualem sont tout en pudeur, tiraillés entre l’amour qu’il porte à leur fils et la volonté de perpétuer coûte que coûte un schéma familial désuet.

Si Nadir Moknèche travaille surtout la fixité de ses plans, c’est parce qu’il envisage la réalisation de films avec les yeux d’un peintre, ou d’un photographe. Dans l’image elle-même, le cinéaste déploie par exemple une approche symbolique de la couleur qui éclaire notre appréciation des personnages.

La couleur bleue, notamment, occupe une place essentielle dans le film. Pour Hadjira, le bleu met en exergue la rigidité religieuse dans laquelle elle trouve son réconfort : c’est la couleur de son voile et de son tapis de prière. Pour Saïd, le bleu est le symbole de pulsions sexuelles et sentimentales qu’il ne saurait réfréner. C’est la couleur du jogging qu’il porte lorsqu’il part à la rencontres d’autres hommes, mais aussi la couleur de la porte de l’immeuble de Vincent, cet amant qu’il n’oublie pas. Enfin, le bleu est aussi la couleur de son aquarium, le seul élément de sa vie sur lequel il exerce un contrôle total et réconfortant, la dernière trace d’indépendance qui subsiste dans ces intérieurs cloisonnés, aux fenêtres toujours masquées par des rideaux. Un havre de paix que sa nouvelle épouse va contaminer malgré elle, au sens propre comme au figuré.

L’air de la mer rend libre est un vrai film d’équilibriste, qui parvient à faire cohabiter harmonieusement le cinéma politique avec une représentation crue et enchanteresse de l’amour et de la sexualité. Une fable aussi rude que légère, qui nous préserve de la lourdeur et de l’apitoiement. Sa structure chapitrée souligne davantage sa dimension romanesque, incarnée par exemple par le personnage de Fariza, jouée par Zahia Dehar, qui devient vite la confidente d’Hadjira. Sa plastique de mannequin et son phrasé candide lui confèrent un magnétisme fascinant, comme si les tourments de la vie glissaient sur sa peau sans jamais l’égratigner.

Un grand merci du fond de la communauté lgbt qui se sent honoré d’être représenté par de si bons acteurs et une histoire à lâcher une larme, à voir avec toute la famille, parent 1 et parent 2 sans oublier les grands parents 1,2,3 et 4 (mais sans hiérarchiser bien sûr). ...

Nadir Moknèche a plusieurs fois prouvé sa capacité à garder toute sa substance au sujet qu'il choisit, en évitant les chausse-trappes de la facilité et les miasmes du pathos. En témoignent notamment Le Harem de Madame Osmane, Viva Laldjérie et Délice Paloma. Avec L'air ...

La religion et l’homosexualité n’ont jamais fait bon ménage. Et, même si c’est en passe de s’améliorer, la communauté musulmane et l’Islam restent la plupart du temps très fermés et conservateurs sur ce sujet. On a d’ailleurs vu peu d’œuvres qui traitent de ...