HABIB, LA GRANDE AVENTURE

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Même si ce n’est que quelques minutes, tourner avec Catherine Deneuve devrait enfin permettre à Habib d’être reconnu comme comédien par sa famille et son entourage. Pas sûr pourtant que cette perspective réjouissante mette un terme à tous les problèmes avec lesquels se débat le jeune homme.

Issu d’une famille marocaine, Habib a grandi à Bruxelles et n’en peut plus d’être cantonné dans de petits rôles d’« Arabe de service ». De plus, il n’ose pas annoncer à sa mère que son père, qui avait abandonné la famille, est revenu du Maroc, accompagné d’une nouvelle et jeune épouse. Bref, Habib se débat en permanence avec des questions d’identité et d’affirmation de soi.

Après avoir réalisé notamment Les Convoyeurs attendent et Les Rayures du zèbre, tous deux avec Benoit Poelvoorde, Benoit Mariage signe ici une comédie qu’il définit de « loufoque et désenchantée ». Le cinéma burlesque muet est d’ailleurs une référence pour le metteur en scène qui a choisi Bastien Ughetto, avec ses faux airs de Buster Keaton, pour interpréter Habib.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS (Cette comédie autour d'un écrivain issu de l'immigration aborde la question de l'identité) ou encore JE VEUX VOIR (Dans ce film tourné au Liban, Catherine Deneuve interprète également son propre rôle).

Le scénario de Habib, la grande aventure s’appuie sur une expérience personnelle de Benoît Mariage. Dans le cadre d’un atelier de cinéma qu’il animait, il avait fait tourner Bilal, un adolescent du quartier. Ce dernier a ensuite participé à d’autres ateliers du metteur en scène. Quelques années plus tard, Benoît Mariage en allant voir Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael, le temps d’une courte scène, il découvre Bilal dans la peau d’un gigolo au lit avec Catherine Deneuve. Le réalisateur l’appelle pour le féliciter : « Bravo, ta famille doit être aux anges ! » Il répond : « Ne me parle pas de ma famille, je n’ai pas dit à mes parents ce que je faisais. J’ai dit à mon père que j’allais aider une femme à faire ses courses au supermarché ! ».

Le sentiment de tristesse a été le point de départ de l’écriture du film mais le scénariste-réalisateur a pris très vite ses distances avec le réalisme. Il s’est orienté vers une fable universelle sur la difficulté d’être un transfuge : « le tiraillement d'Habib, nous sommes beaucoup à l'avoir ressenti de l'intérieur, à un moment donné de notre vie. » Les questionnements du personnage sont nourris du propre vécu de Benoit Mariage. « Je parle d’une communauté qui n’est pas la mienne, précise-t-il, mais tout le substrat émotionnel, c’est le mien. Je viens d’une bourgeoisie provinciale namuroise, j’ai fait l’INSAS, une école éminemment à gauche, militante. Je suis passé d’un monde à l’autre et je me suis demandé ce que j’allais garder de mon milieu culturel d’origine ».

La « grande aventure » que traverse Habib est avant tout une aventure intérieure, elle consiste à franchir la distance qui le sépare de lui-même. Un tel cheminement n’est pas forcément spectaculaire. « L'enjeu dramatique du film était à haut risque, souligne Mariage. Être touché par un gars qui parvient seulement au bout de l'histoire à dire son prénom ! ». Tout en rendant son personnage de plus en plus attachant au fil du récit, il lui fait traverser une série de péripéties drolatiques. « Un plateau de cinéma, je connais ! » , s’amuse le metteur en scène qui a pris plaisir à concevoir des situations et des gags autour du monde du cinéma. « Idem avec un metteur en scène de théâtre. Un pervers narcissique prétentieux et imbécile, là aussi, dans notre corporation, on peut trouver en magasin assez facilement !»

Benoit Mariage, réalisateur belge trop rare, livre son nouveau film qui est apparu à la presse et aux spectateurs comme un film anecdotique. Le long-métrage a pourtant plusieurs atouts dans son sac. Tout d’abord, le comédien principal, Bastien Ughetto, aperçu dans Adieu ...